L'envol du faucon
Davenport ? »
Weltden le regarda bizarrement. « Oui, votre secrétaire. N'est-il pas parti réprimer une émeute ?
— Oh ! Oui, à Tenasserim. Euh... il n'est pas encore rentré. Vous aviez besoin de quelque chose ? »
Weltden sourit. « J'allais juste faire appel à son aide pour vous convaincre de coopérer avec nous, c'est tout. »
White dissimula son soulagement en prétendant être horrifié. « Oh ! A votre place, je n'en ferais rien. Il est si comme-il-faut. Il serait terriblement choqué. Je vois que je vais devoir le tenir éloigné de vous, dès son retour. » Il leva son verre. « Buvons au prochain beau coucher de soleil ! » Il se leva et admira l'horizon où les derniers rayons de soleil embrasaient le ciel nocturne d'orange et de vermillon. Comme il regardait en direction de la mer, sa bouche s'ouvrit toute grande. « Que diable... »
Weltden le rejoignit et suivit son regard. « Bon Dieu, s ecria-t-il. Ce n'est pas possible !
— Si », fit White qui se tourna brusquement vers lui avec une expression de profonde suspicion dans le regard.
« Avez-vous, euh... Avez-vous donné l'ordre à votre bateau de manœuvrer ? bégaya Weltden tandis que l'horrible vérité commençait à se faire jour en lui.
— Bien sûr que non, mon capitaine, comment l'aurais-je pu ? Vous venez de me le demander vous-même, il y a quelques instants seulement.
— Croyez-vous que votre équipage ait pu le déplacer pour une raison quelconque ?
— Non, répondit White d'un ton brusque. A part
Coates, mes hommes ne désobéissent jamais à mes ordres.
— Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Si vous voulez bien m'excuser, je retourne immédiatement sur le Curtana pour enquêter.
— J'attendrai votre retour », dit White, froidement.
Selim Yussuf avait du mal à dormir. Son messager lui avait signalé que le bateau du Shahbandar, le Résolution, s'était rangé à côté du Curtana. Il s'était faufilé dehors au crépuscule et avait constaté le fait de ses propres yeux. Cela devait vouloir dire que l'attaque ne saurait tarder. Les deux collaborateurs infidèles ouvriraient le feu sur la ville tandis que leurs frères farangs à terre prêteraient main-forte à cette trahison. Tout le monde savait que les farangs s'étaient rendus en masse au domicile du Shahbandar pour être mis au courant du plan d'attaque.
Elle était loin, l'époque où Selim et les autres croyaient que le Curtana était venu punir le Shahbandar renégat. Peut-être avait-ce été son intention à l'origine, mais il était devenu évident que les deux hommes avaient conclu un marché. Le bruit courait que le roi farang avait donné ordre à tous ses sujets de rentrer au pays. Il ne faisait aucun doute que ce porc de Shahbandar avait accepté de participer à la prise de Mergui en échange de l'absolution de la Compagnie pour ses actes de piraterie dans le golfe. Il avait vendu son âme au diable.
L'inquiétude minait Selim et le manque de sommeil lui avait mis les nerfs à fleur de peau. Chaque soir de la semaine précédente, à la faveur de l'obscurité, il s'était glissé dehors pour ourdir son plan. Ses hommes étaient presque prêts. Ils connaissaient l'adresse exacte de tous les résidents anglais de Mergui, l'heure à laquelle on pouvait les trouver chez eux, et ils avaient fait passer le mot dans la population. Comme il aurait souhaité pouvoir les écraser tout de suite au lieu de devoir attendre que les bateaux farangs tirent les premiers ! Mais le sort des chefs de la rébellion macassar le retenait : il savait qu'il ne pouvait pas se permettre d'être considéré comme l'agresseur. Lorsque les autorités à Ayuthia entreprendraient, comme c'était à prévoir, une enquête approfondie sur les événements qui allaient bientôt avoir lieu, il devrait être à même de montrer que la ville avait agi pour se défendre. Après tout, le Shahbandar était toujours le représentant légal du pouvoir, le délégué officiel de Sa Majesté. Ce n'est que lorsqu'il aurait bel et bien tiré sur la ville qu'un soulèvement des indigènes contre leurs oppresseurs farangs pourrait être justifié. En attendant, on ne pouvait rien faire pour les empêcher de se préparer.
Selim eut un mouvement de recul à l'idée de l'étendue des dégâts que la première salve des armes monstrueuses à bord des bateaux allait peut-être causer avant que ses hommes ne puissent riposter. Aussi bien préparés fussent-ils, il y aurait
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