L'envol du faucon
Ecritures et désire ardemment en apprendre davantage. » Tachard se pencha en avant et jeta un coup d'œil circulaire. « Monseigneur est aussi de l'opinion que l'arrivée d'une délégation si prestigieuse agira comme un catalyseur dans la conversion de Sa Majesté. La noble conduite d'un peuple si sophistiqué et si raffiné ne pourra que le pousser à faire le dernier pas. Qui plus est, poursuivit Tachard en les regardant de nouveau l'un après l'autre, quand j'ai mentionné vos noms, le seigneur Phaulkon connaissait chacun d'entre vous de réputation et s'est montré des plus impressionnés. Il est bien informé des affaires françaises, car c'est notre nation, messieurs, que lui et le roi de Siam admirent le plus. Le seigneur Phaulkon m'a assuré personnellement que rien ne lui ferait plus plaisir que de voir la France fermement installée au Siam en tant que puissance commerciale dominante de la région. Mais une chose est sûre, messieurs, nous n'obtiendrons jamais la conversion du roi Narai en attaquant son pays.
— Il semble que le seigneur Phaulkon se soit montré des plus persuasifs avec vous, mon cher Père, observa Cébéret avec un pâle sourire. Vous avez l'air vous-même tout à fait converti.
— Je suis dévoué à une seule cause, monsieur : la France et l'Eglise catholique, cause que je considère comme une et indivisible. Et, au nom de la France, je conseille vivement qu'en dépit de revers initiaux nous exaucions le vœu le plus cher de notre roi avec les moyens qui se trouvent à notre disposition. Car, si nous sommes assez stupides pour choisir l'affrontement nous sommes perdus. Nous ne bénéficions plus de l'élément de surprise. Nous devons nous adapter à une situation qui a changé. Le roi Louis ne souhaiterait certainement pas que ses troupes soient massacrées.
— Cela ne se produira jamais, monsieur ! protesta Desfarges, indigné.
— Je le crois, au contraire, rétorqua Tachard. C'est également l'avis du seigneur Phaulkon. C'est très facile à comprendre même pour quelqu'un qui n'est pas militaire. Nos bateaux sont trop gros pour traverser la barre, et si le roi de Siam devait avoir le moindre soupçon sur nos intentions réelles, il nous refuserait l'autorisation de débarquer. Il ne nous resterait plus alors qu'à rentrer chez nous, ou à rester à bord jusqu'à ce que nous mourions de faim, ou à essayer de gagner le rivage sur des chaloupes. Corrigez-moi si je me trompe, mon général, mais je crois que les forces siamoises — qui, m'ont assuré à la fois le Premier ministre et notre propre évêque, comptent plus de vingt mille éléphants de guerre — n'auraient pas grand mal à cueillir nos hommes un par un au sortir des chaloupes. »
Il y eut un silence lourd de menace, interrompu seulement par la respiration sifflante de Desfarges.
« Je vois, dit enfin La Loubère. Donc, si je vous comprends bien, mon Père, la seule ligne de conduite viable que vous envisagiez pour nous serait d'abandonner l'idée de Mergui, d'offrir cinq cents hommes à Sa Majesté siamoise, à titre de cadeau surprise de la part de notre roi, et d'accepter de gratifier d'un stagiaire siamois chaque soldat français dans le fort. Est-ce bien cela ?
— En effet, Votre Excellence. Car vous devez comprendre que, du point de vue du gouvernement siamois, il ne faut pas que l'armée française soit perçue comme une armée d'occupation. Cela provoquerait une levée de boucliers chez les mandarins. Les troupes françaises doivent apparaître comme une force défensive opérant conjointement avec leur allié siamois en vue de dissuader les Hollandais.
— Vous avez présenté les arguments du gouverne ment siamois avec énormément de compétence, si jt puis me permettre, mon Père, dit froidement Cébé ret. Dommage que vous ne soyez pas de notre côté Nous aurions grand besoin d'un homme commc vous. »
Le jésuite ignora le sarcasme et tourna son regard vers La Loubère. « Il y a autre chose, Votre Excellence.
— Oui ?
— Afin que le peuple siamois comprenne que le > troupes françaises sont un présent du gouvernement français à leur roi, celles-ci doivent prêter serment d'allégeance au roi de Siam et au seigneur Phaulkor, son Premier ministre. Le général Desfarges doit officiellement placer sa personne et ses troupes sous leur commandement.
— Jamais ! explosa Desfarges.
— Vous vous êtes surpassé, mon Père », fit remarquer Cébéret.
Tous les yeux se
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