L'envol du faucon
étrangère. A ce titre il mérite votre puissante protection. Si la guerre a été déclarée de façon irrévocable, alors il doit être congédié et renvoyé dans son pays. »
Ali Beague fit la grimace. « Quel pays, je vous le demande ? L'Angleterre ou le Siam ? Il est clair à mes yeux que les deux pays sont de mèche. Mes espions m'ont informé que la Compagnie anglaise faisait fête à ce pirate anglais. Ils lui ont même fourni des mercenaires et des munitions. Dans quel but ? » Ali Beague se pencha sur son fauteuil et leva un doigt. « J'ai prévenu notre gracieux roi et son père avant lui — qu'Allah ait son âme ! — que la cession de comptoirs à ces Blancs serait source d'ennuis, mais mes avertissements n'ont pas été écoutés. "Donnez-moi des preuves ! disait Sa Majesté. Donnez-moi des preuves de leur perfidie quand vous voulez, et je prendrai votre requête en considération." » L'expression d'Ali Beague était triomphante. « Voici que j'ai enfin cette preuve, et par la barbe du Prophète, tant qu'il y aura en moi un souffle de vie, je veillerai à ce que tous les infidèles soient jetés en pâture aux vautours jusqu'au dernier.
— Qu'il en soit ainsi, mon Seigneur, déclara Demarcora, mais l'honneur de Golconde n'en nécessite pas moins qu'un représentant étranger bénéficie d'un sauf-conduit pour sortir de votre domaine. Je connais bien Sa Majesté, votre souverain, et il désapprouverait toute autre ligne de conduite. »
Ali Beague parut ignorer l'avertissement. « Vous aussi, seigneur Demarcora, vous feriez bien d'écouter ce que je dis. Les Anglais dont vous croyez avoir la protection se trouvent derrière la capture de votre bateau. Ils veulent gouverner nos terres et ensuite les terres qui se trouvent au-delà. Nous devons les arrêter.
— Je ne peux pas parler des ambitions anglaises, mon Seigneur, mais je ne crois pas qu'ils aient ordonné la capture de mon bateau. Ils auraient pu s'emparer de n'importe lequel de mes vaisseaux dans le passé, si telle avait été leur intention. Ils se sont toujours conduits honorablement envers moi, aussi honorablement du moins qu'on peut s'y attendre dans le golfe du Bengale.
— Alors pourquoi ce pirate s'est-il vu régaler par eux et donner des hommes et des armes avant de s'emparer de votre navire, seigneur Demarcora ? » insista Ali Beague avec un sourire méprisant.
En écoutant cet échange, Ivatt priait ardemment pour que les vues de Demarcora l'emportent.
« Parce que la Compagnie anglaise a une filiale commerciale dans la capitale siamoise, mon Seigneur, et qu'elle maintient des relations amicales avec le roi de Siam. Il n'est que naturel qu'elle reçoive les visiteurs d'un pays allié.
— Et leur fournisse des hommes et des munitions ? Seigneur Demarcora, les Anglais vous ont peut-être traité honorablement dans le passé, mais la politique d'un pays n'est pas éternelle. Elle peut changer le moment venu, comme la mienne vient de le faire. »
Il y eut un bref silence. Ivatt en profita pour se tourner vers Demarcora. « J'ai honte de la conduite du capitaine Coates, monsieur, et je suis mortifié que l'on attribue ses actions au Siam ou à l'Angleterre. Je vous remercie des efforts que vous avez faits en mon nom et vous assure que les opinions que vous avez exprimées seront bientôt justifiées.
— Je ne suis qu'un simple marchand qui cherche à retrouver son navire et un environnement pacifique pour commercer, seigneur Ivatt », répondit modestement Demarcora.
Comme pour tourner ses paroles en dérision, un coup de canon assourdissant retentit. Il semblait dangereusement proche. Les Rajputs se raidirent comme des chiens de meute. Ali Beague aboya un ordre et plusieurs d'entre eux se hâtèrent en direction de la rivière. Pour la première fois, le gouverneur se leva de son fauteuil et débita une ribambelle d'ordres supplémentaires. Une nuée d'indigènes effrayés et larmoyants se mit à converger sur le pavillon. Profitant du chaos, Ivatt emboîta discrètement le pas aux Rajputs, mais un des serviteurs d'Ali Beague l'aperçut et donna l'alarme. Furieux, le gouverneur beugla un ordre. Quatre Rajputs se jetèrent aux trousses d'Ivatt. Le petit homme se mit à courir. Un de ses poursuivants, dont les longues jambes couvraient le terrain mal éclairé comme celles d'une gazelle, se détacha de ses compagnons. Il ne tarda pas à talonner Ivatt qui se faufilait et zigzaguait comme un lièvre devant les chiens.
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