L'envol du faucon
s'entraîner avec lui et apprendre avec lui. N'ayez pas peur de poser des questions, même si vous devez recourir au langage des signes.
« La plupart des soldats farangs resteront sur leurs bateaux jusqu'à ce que leurs quartiers soient prêts.
Nous serons donc pour commencer plus nombreux qu'eux. Profitez-en pour vous installer d'abord. Vous allez maintenant vous rendre au fort. Les officiers doivent trouver leurs camarades officiers dans la hiérarchie farang et veiller à ce que les hommes soient bien affectés. Allez-y. »
L'armée écarlate changea de position et disparut à croupetons dans le fort, un vaste édifice de deux étages en brique et en pierre. Construit un siècle auparavant par les Portugais, il s'effritait.
Petraja attendit que ses hommes fussent partis. Il ne les suivit pas dans le fort. Le général français était indisposé et il n'y aurait personne de son rang avec qui il pût communiquer. Les officiers français ne montraient aucun respect envers leurs supérieurs. Ils ne se prosternaient même pas devant un commandant. Qu'en penseraient ses hommes ? De quelque manière qu'on tentât d'expliquer un comportement si inouï, on aurait l'impression que les farangs ne considéraient pas un général siamois comme leur supérieur. Il valait mieux éviter une confrontation. De toute façon, il voulait vérifier l'hébergement pour un tel afflux de troupes. On construisait des rangées de maisons en bois sur pilotis pour ses hommes ainsi que pour les farangs, et il s'assurerait que les logements fussent de même qualité.
Alors que Petraja se dirigeait vers le large champ, près du fort, où l'on était en train de construire les quartiers des soldats, un personnage entouré d'une suite d'esclaves s'avança vers lui à grandes enjambées. Petraja se raidit et se prosterna à contrecœur.
« Bonjour, mon général, dit Phaulkon. J'ai entendu votre discours. Très impressionnant. Mais j'espère que vos troupes n'en tireront pas la mauvaise conclusion. Si les Siamois semblaient soupçonner si peu que ce soit leurs homologues français, cela ne pourrait qu'éveiller des sentiments similaires chez les farangs. Nous ne voudrions pas de cela, alors que le
Seigneur de la Vie nous a ordonné de bien accueillir les visiteurs.
— Certes non, Votre Excellence, mais j'ai toujours tenu à entraîner mes soldats à ne jamais se relâcher. Leurs soupçons, si vous souhaitez les appeler ainsi, indiquent seulement qu'ils sont prêts à toute éventualité. C'est cette qualité même, vous vous en souvenez peut-être, qui nous a valu nos nombreux succès au cours des campagnes birmanes.
— Sans doute, mon général, mais je dois vous rappeler que, dans ce cas précis, nous étions en guerre avec la Birmanie. Nous ne le sommes pas avec la France. » Phaulkon sourit. « Mais je vois que vous vous acheminez vers les nouveaux baraquements. Peut-être m'y accompagnerez-vous ?
— Ce serait un honneur, Votre Excellence. » Petraja se redressa. Le Barcalon le dépassait d'une tête, de sorte que le protocole était naturellement observé. Ils marchaient côte à côte ; les esclaves des deux hommes suivaient à une distance respectable.
« Je trouve que les cérémonies de bienvenue se sont très bien déroulées hier, n'est-ce pas, mon général ? »
Petraja réfléchit un instant. « En effet, Votre Excellence.
— Je décèle une note de doute. Vous n'êtes tout de même pas opposé à ce que nous endiguions les Hollandais ?
— Bien au contraire, Votre Excellence. Sauf si par mégarde nous remplacions un danger par un autre.
— Entre vous et moi, mon général, les effectifs de l'armée française m'ont également surpris. Mais la vie m'a appris qu'il est sage de s'adapter rapidement à de nouvelles circonstances. Nous devons et allons en tirer le meilleur parti. En fait, de votre propre point de vue, il devrait y avoir un certain nombre d'avantages. Pensez-y de cette façon, mon général. Dans quel autre endroit vos hommes pourraient-ils être entraînés gratuitement à l'art de la guerre moderne par les forces combattantes les plus puissantes du monde ? Le roi Louis de France dispose de deux cent mille hommes sous les drapeaux.
— Le genre d'effectifs dont pourrait avoir besoin une nation pour élargir son territoire à l'étranger, Votre Excellence.
— Absolument, mon général. Encore que de tels objectifs ne puissent réussir que lorsque le territoire en question est trop faible
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