L'envol du faucon
pour résister ou lorsque des éléments déloyaux sapent ses forces de l'intérieur. Fort heureusement pour nous, aucune de ces conditions n'existe au Siam. Ah ! Mais voici notre nouveau village. »
Ils émergèrent dans un vaste champ où des milliers de charpentiers et de couvreurs s'affairaient à construire deux cents maisons sur pilotis. Chacune pouvait abriter cinq hommes. « La dextérité manuelle des Siamois ne cesse de m'étonner, mon général. Ces maisons seront terminées dans un jour ou deux. Certaines ont déjà l'air finies. Tout cela sans l'aide d'un seul clou ; uniquement des rainures pour assembler les planches. Remarquable ! Je me demande ce qu'en diront les ingénieurs français.
— Je pense que les farangs n'ont pas notre flexibilité. Au Siam, un homme peut démonter sa maison en un jour et la déménager ailleurs. » Petraja jeta à Phaulkon un regard qui en disait long. « Après tout, les circonstances peuvent changer, et tout homme sait que son poste peut ne pas lui être assuré pour toujours. »
Phaulkon lui jeta un coup d'oeil rapide. « J'espère que le vôtre l'est. Quand Sa Majesté a gracieusement adopté ma suggestion de placer un soldat siamois au côté de chaque Français dans le fort, nous avons tous deux dit que nous étions tout à fait sûrs que, sous votre commandement chevronné et avec vos encouragements, les soldats des deux nations resteraient en termes très amicaux et partageraient pleinement leur expérience et leurs connaissances. »
Petraja perçut l'allusion menaçante sous les paroles de Phaulkon et se hérissa. « Ma loyauté envers les souhaits de Sa Majesté n'est pas en question, déclara-t-il avec froideur, mais il pourrait être difficile à mes soldats d'accueillir les Français avec enthousiasme, car ils ont du mal à comprendre pourquoi une armée farang d'une telle importance est arrivée chez nous sans y avoir été invitée. »
Phaulkon lui fit face. « Je voudrais, mon général, que vous me fournissiez immédiatement la liste de tous ceux qui pensent de cette façon afin qu'on les remplace sur-le-champ. Je ne tolérerai pas que quiconque mette en doute la politique de notre nation. Est-ce bien clair ? »
Petraja inclina la tête en dissimulant sa colère. « Parfaitement, Votre Excellence. Mais, pendant que nous en sommes à la politique, vous pourriez peut-être me faire part de la hiérarchie exacte pour ce qui est du commandement. Il y aura à la fois des officiers siamois et français dans le fort. Qui aura le dernier mot ?
— Les officiers siamois commanderont leurs hommes et la même chose vaudra pour les Français. Etant donné la barrière de la langue, il n'y a pas d'autre solution. Mais, comme je l'ai déjà dit, l'accent sera mis sur la coopération et non sur la confrontation. Inutile de dire que le Seigneur de la Vie a le commandement suprême du fort, tandis que moi, son serviteur, je veillerai à ce que ses souhaits soient exaucés.
— Bien entendu, Votre Excellence. Mais si le général Desfarges et moi devions être en désaccord sur une question ?
— Alors vous me la soumettriez.
— Le général farang résidera-t-il dans le fort, Votre Excellence ?
— Les ambassadeurs et lui partageront une grande maison d'hôte. » Phaulkon indiqua un bungalow spacieux dans un angle du vaste champ. Il avait été utilisé auparavant pour recevoir les dignitaires. On était en train de l'agrandir et de le remettre à neuf.
Petraja eut l'air soucieux. « Etant donné que je ne vis pas au fort, Votre Excellence, cela ne fera-t-il pas du général Desfarges l'officier de plus haut rang sur les lieux ?
— Il semblerait qu'il en soit ainsi. Mais il n'aura aucune autorité sur vos hommes. Il a fait serment d'allégeance à la couronne siamoise. Vous étiez présent à la cérémonie d'hier, n'est-ce pas ? » Phaulkon marqua un temps. « Autre chose, mon général. Comme je l'ai déjà souligné, les Français doivent se sentir chez eux au Siam. Dans le cadre de ce plan, certaines distractions seront préparées pour eux. » Phaulkon regarda le général droit dans les yeux. « Je compte sur votre entier soutien dans ce domaine. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, mon général, d'autres devoirs m'attendent. »
Petraja se prosterna instantanément, ce qui lui permit une fois de plus de dissimuler la rage qui bouillait en lui.
13
Ivatt gisait immobile et attendait que ses yeux se fussent accoutumés à l'obscurité. Sa
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