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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grossissait, écarlate, presque à vue d’œil.
    — Il enfle sans rémission, dit Loïs de Saveuse. Et voyez : on dirait que cela noircit.
    Bouche close et narines froncées, il retenait son souffle.
    — Pas moi ! hurla Kemper.
    Le premier phlegmon était presque aussi gros qu’un œuf de poule ; l’autre avait l’aspect et la couleur d’une châtaigne.
    Barbeyrac et Saveuse échangèrent une œillade. Elle signifiait : « Est-ce la peste ? » Ogier sentit sur lui deux regards anxieux.
    — Même si c’est cela, il faut nous dévouer.
    Voire. Le piège où le hasard les précipitait, ses compères et lui, le rendait malade d’une espèce d’irritation qui, pour le moment, dominait son angoisse. Saveuse émit une suggestion :
    — Ouvrir la grosse tumeur le soulagerait.
    — Ou le martyrerait davantage.
    — Je n’en disconviens pas, mais le pus doit sortir ! Après quoi, il sera en voie de guérison.
    Kemper écoutait, les yeux clos, effrayé d’être à la merci de trois ignorants, cependant que des paquets de mer se fracassaient sur les flancs de la George et qu’une poudre d’eau entrait par les sabords.
    — Mieux vaut attendre, dit Ogier. Attendre que ces deux tumeurs soient à point.
    Il spéculait sur du vide. Il était nul en médecine et se sentait humainement inutile. C’étaient son bon cœur et les convenances qui le poussaient à parler. Tout au fond de lui-même, l’évidence le tisonnait : «  C’est la morille et nous n’y pouvons rien. » Il devait fuir Kemper, or, il demeurait immobile, impuissant et lamentable.
    — La malignité de ce mal m’épouvante, avoua Barbeyrac.
    — C’est la peste, gémit Kemper. Éloignez-vous de moi !
    — Veux-tu guérir ou non ? Te fies-tu à nous ? interrogea Saveuse. Si c’était la peste, et selon le dire du capitaine, tu aurais aussi des grosseurs aux aisselles.
    Il se pencha, tâta le malade sous les bras ; ses palpations furent vaines.
    — Ce n’est pas la morille, dit-il, sentencieux, en se relevant.
    Le ton qu’il employait puait la fausseté.
    À midi, Kemper se tordait sur son lit. Enlevant ses braies une fois de plus, Ogier et Barbeyrac constatèrent que les deux tumeurs, d’un égal volume, étaient d’un noir spongieux qui, sous l’effet du pus qu’elles exsudaient, avaient un aspect glutineux, abominable.
    — Je redoute que ce soit cela, dit Ogier. Qu’en penses-tu, Saveuse ?
    Le chevalier cambraisien se pencha et se releva en hâte :
    — Le moine Roch, de Montpellier, passe pour guérir ce mal-là. Je me demande par quel moyen.
    Kemper joignit les mains et se mit à prier. Il s’exprimait fort, en allemand, afin que Dieu l’entendît au-delà du vacarme des vagues. Parfois il se signait puis écrasait une larme.
    William Piers revint. Ogier remonta sur le pont et respira l’air frais, piquant, réconfortant, dont la force attractive semblait issue des côtes de France. Rien au loin, cependant. La mer demeurait coléreuse. Des bourrasques avaient déblayé le ciel, mais de gros nuages y persistaient. La George, parfois, dansait durement. Le maître d’équipage commanda une manœuvre. Des mariniers grimpèrent dans les cordes.
    — John ! John !… Assure ce rocambeau !
    Une voile fut amenée. La George tangua, roula, cherchant une assise introuvable. Ogier sentit son cœur lui monter jusqu’aux lèvres. Il retourna dans l’entrepont, croisant au bas de l’escalier le capitaine horrifié.
    — C’est la peste !
    — Je le crois aussi.
    — Alors, balancez-le !
    — Faites-le vous-même ! Et lâchez mon bras, je vous prie.
    Ils se séparèrent, plus ennemis qu’ils ne l’étaient jusqu’alors.
    — Pitié ! Pitié ! hurlait Kemper.
    Il n’en pouvait plus d’être secoué, meurtri, dévoré de fièvre. À chaque coup de lame sur les flancs de la nef, il grognait, criait, et les craquements des membrures devenaient si sonores, si rigoureux qu’Ogier craignit que la coque ne fut enfoncée. Dans la lumière grise, oscillante et comme affolée, la face de Kemper apparaissait tantôt glauque, tantôt blafarde. Les yeux semblaient s’y rétrécir ; la bouche se tordait en aspirant l’air mouillé qui sentait le suint et la saumure.
    — Ouvrir ces deux bosses noires… dit Saveuse comme à lui-même.
    — Débrider, abluer, cautériser au fer, enchérit Barbeyrac.
    — Jetez-le donc à l’eau ! hurla d’en haut le capitaine.
    — Saligot ! enragea Ogier. Bon

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