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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’amitié…
    Il reculait encore, cette fois sous la menace d’une arme aussi longue que la sienne, et ce qu’il voyait du visage ennemi différait carrément de ce qu’il en savait ; il ressemblait à ceux des guerriers de pierre : haine, hautaineté, violence et cruauté en constituaient l’essentiel. Des yeux exorbités de Saveuse sourdaient des lueurs formidablement homicides. Oui, c’était un dément qu’il avait devant lui.
    — Tu as tort d’être iré contre moi… Si tu y tiens, eh bien, je te fais des excuses… Je te demande pardon !
    Saveuse ne l’écoutait plus ; il n’écoutait que son ressentiment.
    — Sors ton épée.
    — Obéis ! hurla Barbeyrac. Tu t’es suffisamment abaissé !
    Sa voix se multiplia, terrible, comme si les chevaliers de pierre avaient entonné ses paroles.
    Ogier tira Confiance hors du fourreau.
    « Je ne ferai que me défendre. Ainsi j’épuiserai le courroux de ce marmouset ! »
    Saveuse lui porta un coup de banderole [72] qu’il évita d’un saut de côté, récusant de toutes ses forces l’envie qui le prenait de désarmer d’un grand taillant ce forcené dont le souffle bruyant n’était plus celui d’un homme sensé. Des courants ténébreux s’infiltraient dans son corps. Il se sentait devenir lourd et différent. Neuf volontés semblaient s’incruster dans la sienne. Neuf bras soutenaient le sien. Ses regards n’avaient jamais été si vifs, si clairs, si perçants. Ils semblaient tout à coup multipliés par neuf.
    « Tu deviens fou. Ressaisis-toi. »
    Il savait qu’il serait incapable d’exorciser cette hantise, peut-être démoniaque, de châtier Saveuse aussi durement qu’il le méritait.
    — Je ne tiens pas à t’occire, Loïs… Ne m’en fournis pas l’occasion !
    — Je te vaincrai !
    Toutes les digues d’une amitié récente, solide en apparence, tous les arguments de la raison s’étaient rompus, disloqués. Saveuse attaquait avec une forcennerie d’épileptique ; il fallait rompre encore. Ogier rompit, maugréant de passer pour un couard et recouvrant tout au fond de sa bouche le goût inassouvi du sang et des sanies.
    Il voyait, à chaque éclair de lame, le visage du Cambrésien changer. Blêmir progressivement sans jamais se teinter de la rougeur des flammes. Évitant la cheminée afin que Rosamonde, qui s’y était réfugiée, ne reçût aucun coup de lame, – intentionnel ou non –, il trouva un refuge au seuil de l’escalier. L’étroitesse du cantalabre de pierre s’opposait aux taillants et presque aux estocades. Il décida de ne point reculer, éluda deux atteintes et d’un sursaut se dégagea. La lame de Saveuse frappa la muraille de sa pointe mais ne se rompit pas sous la force du coup.
    — Réconcilions-nous, Loïs !
    Ogier sentit son épaule endolorie par un coup orbe.
    Rien ne justifiait cette violence. Surtout pas Rosamonde. En fait, ils s’humiliaient autant l’un que l’autre devant elle.
    Saveuse, lui, ne pensait à rien d’autre qu’à occire. Et après, s’il y parvenait ?
    — C’en est trop ! hurla Ogier. Ma patience est morte !
    Son front s’était emperlé. Il doutait que Rosamonde seule fût au cœur de cette querelle fratricide. Il s’accorda une nouvelle tentative :
    — Cessons. Toi le premier, Loïs…
    Égaré dans la tourmente de ses amours bafouées, Saveuse n’entendait rien. Il dispersait ses coups ; des forces surnaturelles semblaient l’avoir subjugué. Les éclairs nacrés de son épée sifflaient, craquaient sur Confiance, et, reculant encore, Ogier savait quelle figure se dissimulait sous le visage net, serein, qu’il offrait à son adversaire et à ses compagnons : c’était celui d’une fureur sans limites, irréductible, irrémédiable. Il l’avait éprouvée parfois ; elle le réintégrait et lui devenait insupportable.
    — Soit !… Tu l’auras voulu.
    Il fallait regagner le centre de la salle. Alors, les gestes redeviendraient plus vastes, partant plus terribles. Rosamonde s’approchait. Elle se délectait de ce combat. Elle l’avait souhaité peut-être. Saveuse grognait à la façon d’un sanglier blessé. Ses coups, quoique nombreux, devenaient imparfaits. Souvent, il aspirait goulument l’air âpre et frémissant, crachait des mots et semblait peiner à soulever son arme.
    Prompt et ménager de sa lame, Ogier sentait ses reins, ses genoux le brûler cruellement. La fatigue en était cause. Et le froid, un froid de

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