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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pointillaient le silence, aigres comme toujours, mais apparemment gais.
    — Il serait dommage que l’un de nous soit mordu par une de ces bestioles… Il recevrait le mal irréparablement.
    Regardant les chevaliers, Ogier eut la conviction qu’ils l’écoutaient ou que quelqu’un d’invisible, placé sous leur protection, prêtait une oreille attentive à ses dires. Prenant le flambeau du poing de Rosamonde sans souci du mécontentement de celle-ci, il entreprit le tour du domaine restreint où passer une nuit paisible, reposante, lui semblait une impossible gageure. Il n’osait défier aucun preux mais en portant ses yeux sur le pavement rouge dont certaines dalles disjointes basculaient sous son talon, il le trouva aussi entretenu que l’étaient le foyer et le contrecœur de la cheminée. Avec l’infaillibilité d’un bon veautre, conduiseur de meute, il tomba en arrêt sur l’empreinte d’une semelle. Récente car elle était humide. Il eût pu révéler : « Il y a quelqu’un de vivant ! » Il conserva cette conviction pour lui-même. Dévisageant soudain deux chevaliers de pierre, il crut voir apparaître, aux commissures de leurs lèvres et de leurs paupières, une même expression de fureur menaçante. Il se détourna de ces bouches et de ces yeux emplis d’une injonction qu’il ne pouvait comprendre.
    — Les chevaux… commença Barbeyrac.
    — Il faut les desseller et les mettre dehors.
    — Non, Lois… Oyez ces grésillements au-delà du seuil. Il pleut à verse. Ils passeront la nuit avec nous.
    — Nous devrions trouver les écuries. Peut-être y a-t-il du fourrage qu’ils mangeraient et dont nous ferions nos litières.
    — Bonne idée, Lois, approuva Barbeyrac. Mais avant, il me faut défardeler l’armure d’Ogier et la mienne.
    Un rire. Il était sec, volontairement offensant. Ogier n’en goûta pas l’accent de supériorité moqueuse, surtout lorsque Saveuse ironisa :
    — Tu ne veux tout de même pas t’adouber pour la nuit afin de te soustraire à l’appétit des rats ?
    Pour affirmer, devant Rosamonde, une suprématie indue, le Cambrésien, sans vergogne, commettait un péché d’orgueil dont Barbeyrac fut piqué. Ravalant son courroux, il repoussa le propos d’un mouvement de main et commenta d’une voix malaisément débonnaire :
    — Parce que je préfère passer pour un sot et vivre, je mettrai mes gantelets pour toucher à ce fourrage. Si un rat me mordille, il ne m’atteindra pas à travers le cuir et les mailles. Je suis sûr qu’Ogier te prêtera les siens… Il me semble que tu ne sais discerner ce qui sépare la précaution de la couardise… Pas vrai, Rosamonde ?
    La jeune femme, pour toute réponse, bâilla en se tapotant la bouche. Ogier vit qu’elle avait conservé l’épée du Cambrésien. Se souvenant de l’usage qu’elle en avait fait, elle la restitua à son propriétaire, la pointe en avant, et il s’en fallut peu qu’il n’eût été blessé en la saisissant.
    — Holà ! m’amie… Gardez-vous de me fournir un coup d’estoc !
    Ce fut au tour de Barbeyrac de s’ébaudir :
    — Discernement vaut mieux que hâte !… Par ma foi, elle aurait voulu te navrer à la main qu’elle ne s’y serait pas mieux employée.
    — Oh ! vous, enragea Rosamonde en défiant le malvenu.
    Elle eût pu démentir ; elle n’en fit rien. Loïs de Saveuse, maussade, remit sa lame au fourreau.
     
    *
     
    Les yeux de Rosamonde trahirent une sorte d’inquiétude.
    — Nous voilà seuls, dit-elle d’une voix un peu trop douce et dont l’éloquence, peut-être, lui échappait.
    — Seuls ? s’étonna Ogier. Voyez ces neuf guerriers : ils me regardent ; ils vous contemplent.
    Il s’était par deux fois éloigné de la belle. Ne pouvant plus reculer, il s’adossa contre un des jambages de la cheminée, aussi large et aussi haut que lui et se vit tout à coup statue sur un sépulcre. D’un violent pas de côté, il s’arracha à la pierre. Ce fut pour heurter le pied-droit de l’escalier. Il s’assit sur la première marche.
    Rosamonde hésitait à faire un mouvement. Ainsi, elle paraissait attentive au bruissement de la pluie, au clapotement des mokières [69] et aux psalmodies des gargouilles et des gouttereaux. Un frisson la parcourut et, croisant les bras, elle amena frileusement ses mains sur ses épaules.
    — Vous ne m’aimez pas, dit-elle enfin.
    — Vous me l’avez déjà reproché.
    Ogier éludait une réponse

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