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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sous le prétexte de lui emprunter Pipeau, et qu’il était alors parti pour la
Devinière
.
    Or, du premier coup où il sortit de la chambre du chevalier, Pardaillan père se mit à errer par l’hôtel en maugréant toutes les imprécations connues dans le royaume, jusqu’au moment où il se rencontra avec Loïse.
    – Je vous cherchais, dit le vieux routier avec cette brusquerie qui dénote une grave inquiétude. Je tenais à vous faire mes adieux.
    – Vos adieux ! s’écria la charmante enfant qui ne put s’empêcher de pâlir.
    – Oui, nous partons, mon fils et moi.
    En parlant ainsi, et tout en expliquant avec volubilité que son fils lui paraissait atteint d’un mal incurable, le vieux renard s’était mis à marcher dans la direction de la chambre du chevalier.
    Loïse le suivait machinalement, toute émue par la nouvelle de ce brusque départ, le cœur serré par une angoisse inconnue.
    Pardaillan ouvrit doucement la porte.
    Loïse entendit le discours que le chevalier adressait à Pipeau.
    Ce fut alors que le vieux routier appela le chien et partit, laissant la porte ouverte et, devant cette porte, Loïse tout interdite… Que se passa-t-il en elle à ce moment ? A quelle impulsion obéit-elle ? Toujours est-il qu’elle entra, et levant ses yeux candides sur le chevalier stupéfait et bouleversé, demanda :
    – Vous voulez partir ?… Pourquoi ?
    Le chevalier, non moins interdit et certes plus tremblant que la jeune fille, murmura :
    – Qui vous a dit que je voulais partir, mademoiselle ?
    – Votre père, d’abord. Vous ensuite.
    – Moi ?
    – Vous-même. Vous voulez partir, disiez-vous… Pardonnez-moi, monsieur… J’ai entendu bien malgré moi… Vous avez dit que vous vouliez partir et pour ne plus revenir… et que vous ne pouviez emmener votre chien là où vous allez… et que si vous partez, c’est que vous vous ennuyez… Oh ! monsieur, quel est ce pays d’où vous ne reviendrez jamais ?…
    – Mademoiselle…
    – Et où vous ne pouvez emmener le pauvre Pipeau ?
    – De grâce…
    – Et pourquoi vous ennuyez-vous ?
    Elle parlait ainsi que dans un rêve, tout étonnée de sa propre audace, toute tremblante maintenant, deux larmes au bord de ses longs cils.
    Le chevalier la contemplait avec un inexprimable ravissement et une douleur aiguë. Sa tête s’embrasait, ses idées bourdonnaient comme un essaim d’abeilles en fuite. L’instant était redoutable et charmant.
    Il balbutia, ne sachant pas trop ce qu’il disait :
    – De dire que je m’ennuie, mademoiselle, c’est une façon de parler…
    – Oh ! reprit-elle sous l’impulsion d’un irrésistible mouvement du cœur, est-ce parce que vous êtes ici ?… près de ma mère… près de mon père…
    Et tout bas, elle ajouta :
    – Près de moi !…
    Le chevalier ferma les yeux, joignit les mains, et, d’une voix ardente :
    – Ici… oh ! ici… c’est le paradis !…
    Elle poussa un faible cri. Et alors, cette lumière qui, en de certaines circonstances, jette sa flamme dans l’esprit et le cœur des jeunes filles, l’illumina soudainement, et, très pâle, blanche comme un lys, elle dit :
    – Vous ne voulez pas partir… vous voulez mourir…
    – C’est vrai.
    – Pourquoi ?
    – Parce que je vous aime.
    – Vous m’aimez ?
    – Oui.
    – Et vous voulez mourir ?
    – Oui.
    – Vous voulez donc que je meure ?
    Ces demandes et ces réponses, rapides, haletantes, fiévreuses, furent faites de part et d’autre d’une voix basse. Emportés qu’ils étaient par leur rêve, ils se rendaient à peine compte de ce qu’ils se disaient. Mais tout était amour en eux. De leur immobilité sans geste, de leur attitude figée, de leurs visages pâlis émanait un fluide mystérieux, et ils étaient comme dans une atmosphère d’amour.
    Entre eux, il ne put être question de dissimulation. La fille la plus effrontée n’eût pas eu une pareille tranquillité, le don Juan le plus fieffé n’eût pas eu cette sérénité. Loïse, qui parlait au chevalier pour la deuxième ou troisième fois, avoua son amour spontanément. La pensée qu’elle aurait pu le cacher ou en rougir ne l’effleura même pas. Cette fleur de timidité n’eût pas compris la timidité en ce moment. Le chevalier l’eût prise par la main et l’eût emmenée qu’elle eût suivi tout naturellement.
    Ce cri, qu’elle venait de laisser tomber de ses lèvres, ce cri de sincérité superbe était l’expression la plus complète, la

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