L'épopée des Gaulois
l’inondation reprit sa route vers le sud. Après avoir traversé des plaines monotones et franchi à gué de nombreux cours d’eau, ils parvinrent à un grand fleuve dont les flots abondants et tumultueux réveillèrent en eux des souvenirs autant tragiques que nostalgiques. Vissurix et Garganos allèrent jusqu’à un village qui se dressait sur une petite colline dans une boucle du fleuve et engagèrent la conversation avec les habitants du lieu. Ils apprirent ainsi que l’on nommait ce fleuve le Rhin, et que ses eaux provenaient de bien loin, dans des montagnes qui se dressaient aux limites de la grande plaine.
Le druide et le grand guerrier aux cheveux roux revinrent vers leurs compagnons et leur communiquèrent ce qu’ils avaient appris. Ils tinrent conseil pour savoir s’il était préférable de construire des radeaux pour franchir le fleuve afin de continuer leur route de l’autre côté, ou bien se contenter de remonter le courant jusqu’à un endroit où l’on pourrait traverser plus facilement. Car il leur était évident que ce fleuve constituait une frontière et qu’ils devaient aller au-delà pour rejoindre les membres de leur tribu qui s’étaient séparés d’eux autrefois pour aller tenter l’aventure vers les régions où le soleil se couche au moment du solstice d’hiver.
Tous furent d’avis qu’il convenait de suivre le fleuve le plus loin possible vers sa source. Ils se remirent donc en marche et se retrouvèrent bientôt dans une région de petites montagnes à travers lesquelles le fleuve coulait dans d’étroits défilés. La plupart d’entre eux n’avaient jamais vu de paysages montagneux et s’étonnèrent grandement devant cette succession de hauteurs qu’il fallait gravir pour redescendre ensuite dans de petites vallées parcourues par des cours d’eau qui se déversaient de cascades en cascades dans des tourbillons d’écume qui leur rappelaient les vagues de la mer se brisant sur le rivage.
Ils furent également surpris de constater que les habitants des villages, tous juchés sur les pentes ensoleillées des vallées, parlaient à peu près le même langage qu’eux. C’étaient des Celtes qui dans leur marche vers le soleil couchant, avaient découvert des lieux propices et s’y étaient établis depuis plusieurs générations. Et comme la population de ces villages augmentait, bon nombre de jeunes gens désiraient aller courir l’aventure dans d’autres régions afin d’y faire souche eux aussi. Conquis par la force et l’autorité de Garganos, beaucoup d’entre eux vinrent trouver celui-ci et lui proposèrent de l’accompagner, lui promettant leurs services et lui jurant fidélité. Garganos, appuyé par le druide Vissurix qui voyait là un bon moyen d’assurer leur sécurité, ne pouvait que les accepter. Et bientôt, au lieu des trois vingtaines d’hommes et de femmes qui s’étaient enfuis des rivages de la mer, la troupe en comporta près d’une centaine lorsqu’ils arrivèrent à un endroit où le fleuve leur parut facile à traverser.
Comme il y avait sur les pentes qui s’élevaient depuis la rive des forêts sombres et épaisses, ils n’eurent aucun mal à couper des arbres et à construire des radeaux. Ainsi purent-ils traverser avec leurs chars, leurs chevaux et leur troupeau dont le nombre de têtes s’était considérablement accru depuis le temps de leur départ. Quand ils furent tous sur l’autre rive du fleuve, et après s’être reposés pendant plusieurs jours, désireux d’aller encore plus loin, ils reprirent leur marche vers les pays du soleil couchant.
Ils conclurent des pactes avec de nombreuses tribus qu’ils rencontraient dans leur migration. Mais d’autres tribus, craignant leur force et leur audace, tentèrent de leur interdire le passage sur leurs terres. Il s’ensuivit une série de combats, parfois indécis, le plus souvent décisifs, car la valeur des guerriers conduits par Garganos était telle qu’elle surpassait celle de leurs adversaires. Généralement, les tribus qui s’opposaient ainsi à eux étaient composées d’hommes rudes qui vivaient dans la pire des barbaries et qui étaient régies par des tyrans injustes et sanguinaires. Certaines allaient même jusqu’à tuer systématiquement tous les étrangers, de quelque nation qu’ils fussent, qui avaient le malheur de s’aventurer aux alentours de leurs villages. Et très souvent, ces tribus se faisaient une guerre perpétuelle entre elles,
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