L'épopée des Gaulois
se disputant âprement les pâturages les plus verdoyants et les terres les plus fertiles.
Chaque fois que le sort des armes avait penché vers la victoire des émigrants, Garganos et Vissurix s’efforçaient de convaincre ceux qu’ils avaient combattus de l’inutilité de telles querelles. Ils leur démontraient avec force discours les bienfaits d’une bonne entente entre peuples voisins, indispensable pour améliorer les conditions de vie de chacun, et surtout ils insistaient sur la nécessité de réformer leurs lois et leurs coutumes lorsque celles-ci étaient injustes. Et, subjugués par la sagesse de Vissurix ainsi que par la force et l’autorité du grand guerrier à la chevelure rousse, de nombreux hommes quittaient leur village et venaient grossir les rangs de cette troupe fière et conquérante. Ce fut ainsi que Garganos parcourut une grande partie de ce qu’on appelait la Celtique et qu’on commençait à connaître sous le nom de Gaule, luttant contre toutes les formes d’injustice et d’oppression, faisant alliance avec les peuples les plus généreux mais soumettant impitoyablement ceux qui commettaient les pires exactions. Et tous ces peuples reconnurent bientôt son autorité suprême 40 .
Or, dans les montagnes qu’on appelait le Jura, il y avait à cette époque un roi dont la réputation de bonté et de générosité dépassait de loin les limites de son territoire. Il régnait sans contrainte sur un peuple de pasteurs et d’artisans qui reconnaissait en lui un souverain équitable et juste qui, suivant en cela les coutumes établies depuis toujours, s’efforçait de répartir les richesses du pays entre tous les membres de la communauté. Désireux de le connaître, Garganos et Vissurix se dirigèrent vers cette région avec une troupe de guerriers réduite à une vingtaine, mais avec un important troupeau de génisses qu’ils avaient l’intention d’offrir à ce roi si celui-ci les accueillait favorablement.
Ils furent reçus dans la forteresse royale avec honneurs et dignité. Garganos et Vissurix furent invités à partager le repas du roi, où il leur fut prodigué mets et breuvages jusqu’à satiété. Il arriva un moment où le druide et le grand guerrier aux cheveux roux furent tellement ivres qu’ils s’endormirent, gorgés de nourriture, de bière et d’hydromel. On se garda bien de les réveiller et on les recouvrit de couvertures de laine blanche finement ornées afin qu’ils n’eussent pas froid durant leur sommeil.
Mais le roi avait une fille d’une grande intelligence, dotée d’une taille extraordinaire, bien au-delà de celle de la plupart des femmes, et comparable à celle de Garganos, et dont la beauté était telle qu’on ne pouvait que l’admirer. Les prétendants se succédaient à la cour du roi, son père, désirant l’épouser autant à cause de son allure majestueuse qu’à cause de sa sagesse et de son esprit, mais elle les dédaignait tous, estimant avec un certain orgueil qu’aucun d’eux n’était digne de l’épouser.
Or, quand elle vit le grand guerrier à la chevelure rousse endormi, le corps recouvert d’une magnifique couverture de laine blanche, elle ne put s’empêcher d’éprouver pour lui le plus vif des désirs. Mais, se demandant comment l’étranger recevrait ses avances, craignant qu’il ne la repoussât à cause de sa hardiesse ou qu’il eût quelque lien avec une autre femme, elle résolut d’employer la ruse afin de l’amener à accepter son amour. Elle ne savait pas que le troupeau de génisses qu’avait amené Garganos était destiné à son père, aussi imagina-t-elle de soustraire ce troupeau à la vigilance de ses gardiens et d’aller le cacher dans une grotte de la montagne, en un endroit qui n’était connu que d’elle seule. Et, pendant la nuit, alors que les gardiens du troupeau dormaient, elle rassembla les bêtes en silence et les conduisit, par des chemins secrets, jusqu’à une grotte vaste et profonde dont elle masqua l’entrée par une énorme pierre.
Le lendemain matin, lorsque Garganos se réveilla de son lourd sommeil, il se rappela qu’il avait l’intention d’offrir au roi, pour le récompenser de son accueil, un troupeau de génisses, et se hâta d’aller les chercher. Mais il ne trouva que les gardiens endormis qui ne surent pas lui expliquer comment le troupeau avait disparu pendant la nuit. Alors, étant entré dans un état de grande fureur, il jura, par tous les dieux que
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