L'épopée des Gaulois
jurait sa tribu, qu’il irait jusqu’au bout du monde pour le retrouver.
Il se lança tout seul dans cette recherche. Au début, il suivit facilement les traces du troupeau sur un chemin poussiéreux sur lequel les génisses avaient laissé l’empreinte de leurs sabots. Mais ce chemin conduisait à un gué et, étant passé sur l’autre rive du torrent, Garganos s’aperçut que ces traces avaient disparu. Il comprit très vite que les voleurs du troupeau avaient fait passer celui-ci dans les eaux du torrent pour dérouter toute tentative de recherche. Mais comment savoir s’ils l’avaient conduit vers l’aval ou vers l’amont ? Il se décida à suivre le courant vers le plus bas, mais il eut beau chercher sur l’une et l’autre rive, il ne trouva rien qui eût pu constituer un indice. Assez désespéré, il revint en arrière, décidé à remonter le courant jusqu’à la source, ou tout au moins jusqu’à un endroit où il découvrirait des indices significatifs, mais quand il arriva près du gué où s’arrêtaient les traces, il aperçut la fille du roi assise sur un rocher, et qui le regardait avec ironie.
— Que cherches-tu donc, ô étranger ? lui demanda-t-elle.
— Le troupeau de génisses que je voulais offrir au roi, ton père, répondit le guerrier aux cheveux roux. Cette nuit, des voleurs s’en sont emparé par surprise et je me suis juré de le récupérer.
— Que donnerais-tu pour retrouver ce troupeau ? dit-elle encore.
— Certainement pas mon honneur, ni un renoncement quelconque au but que je me suis fixé qui est de conduire ma tribu en un endroit où elle pourra enfin s’établir ! s’écria le guerrier. Mais je suis prêt à satisfaire une demande raisonnable si cela me permet de retrouver mes génisses.
— Est-ce que tu peux le jurer ? demanda la fille.
— Certainement, à condition que je sache de quoi il s’agit.
— Non, reprit la fille. Je veux que tu jures d’accomplir ce que je te demanderai sans savoir quelle sera cette demande 41 . Je t’assure seulement, sur la tête de mon père, que je n’attenterai jamais à ton honneur et que je ne te détournerai pas de la mission que tu accomplis.
— Eh bien ! s’écria Garganos, puisqu’il en est ainsi, je te jure, par les dieux que jurent tous ceux de ma tribu, que j’accomplirai ce que tu me demanderas à la condition que je puisse retrouver mon troupeau de génisses.
— Très bien, dit la fille en se levant de son rocher. Alors, suis-moi…
Elle le mena dans un chemin qui montait, puis redescendait dans un autre vallon avant de traverser un bois très sombre et de déboucher sur une sorte de plate-forme en milieu de pente. Elle s’arrêta et, en souriant d’une façon très malicieuse, elle se retourna vers le grand guerrier qui ne comprenait toujours pas où elle voulait en venir.
— Vois-tu cette grosse pierre ? lui dit-elle. Elle cache l’entrée d’une grotte. Enlève cette pierre et tu retrouveras ton troupeau de génisses à l’intérieur.
Garganos se hâta de déplacer la pierre et entendit des meuglements. Il se retourna vers la fille, l’air interrogateur.
— Je ne sais pas qui a enfermé ces bêtes dans cette grotte, dit-il, mais je vois que tu es de parole. Je suis bien heureux de les avoir retrouvées grâce à toi.
— Alors, sois toi-même de parole, répondit-elle. N’oublie pas que tu as juré de satisfaire ma demande.
— Je ne l’oublie pas. Que désires-tu, ô fille de roi ?
— Je désire m’unir avec toi, déclara-t-elle simplement.
Le grand guerrier parut étonné. Visiblement, il n’avait jamais eu de pensée de ce genre. Mais à la réflexion, il se dit qu’en épousant la fille d’un roi aux grandes qualités, il accroîtrait sa propre réputation. D’ailleurs, en regardant cette jeune fille qui était presque aussi grande et aussi robuste que lui, il la trouvait belle et plaisante.
— Certes, ô fille de roi, répondit-il, voici une proposition qui m’est agréable. Je vais conduire immédiatement ce troupeau de génisses à ton père pour le lui offrir et j’en profiterai pour lui proposer de t’épouser.
— Tu peux le faire ! s’écria-t-elle, mais ce que je te demande, c’est de m’unir avec toi immédiatement.
Garganos comprit que la volonté de la jeune fille était telle qu’il ne pouvait rien lui refuser. Ils s’unirent donc tous les deux sur la mousse qui recouvrait la plate-forme rocheuse devant la grotte. Puis
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