L'épopée des Gaulois
aux femmes qui se pressaient sur son passage. Parfois, il faisait aplanir et enclore un grand espace de terrain, puis il ordonnait d’y amener de grandes cuves remplies de boissons précieuses et de victuailles en telle quantité que, pendant plusieurs jours durant, chacun pouvait entrer librement dans l’enceinte et se choisir ce qui lui convenait de tout ce qui y était étalé.
Un jour, la date en ayant été fixée longtemps à l’avance, le roi Luern fit servir un grand festin en l’honneur de tout ce que comptait son royaume de musiciens et de bardes. La fête fut somptueuse et dura de longues heures. Les convives, une fois rassasiés de nourriture et de boisson, commençaient à se lever pour prendre congé, lorsque survint un barde qui avait pris beaucoup de retard. Voyant que la fête se terminait, il se hâta d’aller devant le roi Luern et il lui chanta un chant dans lequel il célébrait la magnificence du roi, tout en gémissant du regret qu’il avait d’avoir été privé du festin.
Luern fut fort amusé de l’esprit d’à-propos de ce barde. Et comme il appréciait beaucoup son talent, il demanda une bourse d’or à l’un de ses serviteurs et la jeta aux pieds du barde qui courait derrière son char. Le barde n’en poursuivit pas moins sa course tout en faisant entendre un autre chant, disant que les traces laissées sur le chemin par les roues du char du roi étaient des sillons qui promettaient aux hommes de ce royaume une riche moisson d’or et de bienfaits 54 .
Mais il y eut parfois des rois qui ne s’entendaient guère avec leurs vassaux. L’un d’eux se nommait Sereroneos et avait fort mauvaise réputation. Il se brouilla avec deux chefs qui le servaient pourtant fidèlement, Momoros et Atepomaros, et il les chassa de ses terres. Les deux hommes allèrent consulter un oracle pour savoir ce qu’ils devaient faire et où ils devaient aller. L’oracle leur dit d’aller vers le grand fleuve qu’on appelait le Rhône et d’y bâtir une ville. Ils arrivèrent donc à l’endroit où la Saône, qu’on appelait alors l’Arar, se jette dans le Rhône et ordonnèrent qu’on commençât les fondations de la ville. On creusait les fossés quand, tout à coup, apparut une troupe de corbeaux qui, volant de-ci de-là, se posa sur les arbres des alentours. Momoros, qui était habile dans les sciences divinatoires, décida qu’on appellerait la ville du nom de Lugdunum, parce que dans la langue gauloise, le mot Lugos signifie corbeau 55 . Ainsi fut fondée cette grande ville qui devint bientôt la principale de la Gaule tout entière.
CHAPITRE VI
Le temps des défaites
Cependant, les luttes sournoises et constantes entre les Gaulois et les Romains avaient tourné à l’avantage de ces derniers. En une série d’expéditions sur les terres qu’avaient occupées les Gaulois dans le nord de l’Italie, désireux de venger le terrible affront que leur avaient infligé les Gaulois lorsqu’ils s’étaient emparés d’une grande partie de la ville de Rome, les Romains s’étaient décidés à chasser ou à soumettre ces peuples dont le seul nom leur inspirait la terreur et qui avait provoqué, pendant des décennies à Rome la création d’un système d’alerte spécifique, le tumultus gallicus , sonnerie de trompette qui obligeait les citoyens à courir aux armes pour protéger leur patrie de ces redoutables adversaires.
Ils avaient réussi au-delà de toute espérance. En un premier temps, ils avaient conquis les territoires qu’ils appelaient la Gaule cisalpine, puis, profitant de leurs avantages, ils avaient poussé jusqu’à la vallée du Rhône, établissant à l’est de ce fleuve ce qu’ils nommèrent la Provincia Romana , laquelle s’étendait jusqu’au lac Léman et à la forteresse de Genève. Ensuite, au moment des Guerres puniques, comme de nombreux Gaulois avaient participé à l’expédition d’Hannibal en Italie par la route maritime qui partait de la péninsule Ibérique et longeait le sud de la Gaule, devenue depuis la voie Flaminienne, ils avaient établi leur domination sur une grande partie méridionale de la Gaule, entre les montagnes du centre et la mer Méditerranée, nouvelle province qui fut alors appelée la Narbonnaise. Enfin, à l’occasion de l’invasion des Cimbres et des Teutons, peuples germaniques qui avaient envahi l’est de la Gaule, poussant ses incursions vers l’Italie, ils avaient aidé les Gaulois, lesquels leur avaient
Weitere Kostenlose Bücher