L'épopée des Gaulois
province et qu’on se procurât des matelots et des pilotes connaissant bien la navigation sur l’océan. Cela ne fut guère facile, mais les Romains, par la contrainte, obligèrent beaucoup de Gaulois à travailler pour eux et, quand le proconsul arriva enfin, il avait à sa disposition une nombreuse flotte et des hommes compétents pour la conduire. Car son but était de châtier ceux qu’il considérait comme des rebelles et de récupérer au plus tôt les citoyens romains qu’ils retenaient.
Pendant ce temps, les Vénètes, conscients des dangers qui les menaçaient, se préparaient à soutenir une lutte sans merci. Ils s’activèrent à équiper leurs navires, sachant que c’était par leur flotte qu’ils pourraient répondre le mieux aux attaques des Romains. Ils avaient d’ailleurs confiance dans la nature même de leur pays : les chemins de terre étaient coupés à marée haute par des haies, ce qui rendait très difficile la marche d’une armée. De plus, ils se doutaient bien que les Romains ignoraient tout des lieux et qu’ils ne pourraient guère se retrouver dans un tel dédale d’îles et de promontoires. Enfin, ils pensaient que leurs ennemis, à cause du manque de blé, ne pourraient pas tenir longtemps. Donc, ayant activement équipé leurs navires, les Vénètes fortifièrent leurs villes et y entassèrent des provisions, s’assurant en même temps l’alliance des autres peuples de la côte et demandant des secours aux habitants de l’île de Bretagne avec lesquels ils entretenaient les meilleurs rapports.
Leurs villes étaient d’ailleurs bien protégées. En effet, les moindres forteresses étaient en général situées à l’extrémité de langues de terre ou de promontoires rocheux, de telle sorte qu’à marée haute il était impossible d’y accéder à pied. De plus, elles n’étaient pas accessibles aux navires car, à marée basse, ils se seraient échoués sur les bas-fonds, ce qui constituait un sérieux obstacle à un siège.
Les navires des Vénètes étaient construits et armés de manière fort habile. Leur carène était notablement plus plate que celle des Romains, afin d’échapper plus facilement aux bas-fonds et au reflux. Leurs proues étaient très relevées, et les poupes de même, appropriées à la hauteur des vagues et à la violence des tempêtes. Les navires entiers étaient en bois de chêne et pouvaient ainsi résister à tous les chocs et à tous les heurts. Les traverses avaient un pied d’épaisseur, et elles étaient assujetties par des chevilles de fer de la grosseur d’un pouce. Les ancres étaient retenues non par des cordes, mais par des chaînes de fer ; en guise de voiles, ils déployaient des peaux, des cuirs minces et souples, car ils pensaient que des voiles en toile de lin résisteraient mal aux violentes tempêtes de l’océan et à ses vents impétueux, et qu’elles seraient peu capables de faire naviguer des bateaux d’un tel poids et d’une telle masse. Ces navires étaient aussi protégés par leur hauteur. De même que les éperons ne pouvaient rien contre eux tant ils étaient solides, les projectiles ne les atteignaient pas facilement et il était donc impossible de les harponner. Enfin, lorsqu’ils filaient sous le vent, lorsque celui-ci devenait violent, il leur était beaucoup plus facile de supporter les tempêtes et d’aller ensuite mouiller sur des fonds bas sans craindre de s’échouer. Et si le reflux les entraînait, ils n’avaient rien à redouter des rochers et des écueils.
César avait parfaitement conscience de cette supériorité des Vénètes. Aussi décida-t-il de les attaquer dans leur propre pays avant qu’ils eussent terminé leurs préparatifs et surtout avant qu’ils eussent reçus des renforts de leurs alliés. Il s’empara ainsi de plusieurs de leurs forteresses qui se trouvaient à l’intérieur des terres et qui étaient faciles d’accès mais, voyant qu’il perdrait un temps précieux à leur prendre leurs villes les unes après les autres, car à chaque fois, les Vénètes s’éparpillaient aux alentours et revenaient les assaillir par-derrière, il se résolut à attaquer leur flotte.
Le proconsul avait fait construire de nombreux bateaux à fond plat, plus adaptés à la navigation en ces lieux inhospitaliers que les galères romaines. Il confia le commandement de cette flotte au jeune Décimus Brutus, qu’il considérait comme un habile stratège et, ayant envoyé
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