Les 186 marches
soixante-cinq à soixante-dix personnes, pressées les unes contre les autres. Afin d’être disponibles jour et nuit, lui-même et ses camarades du kommando, excepté le kapo Kanduth qui logeait au camp, couchaient dans une des petites pièces attenantes au four crématoire situé sous le bunker ; ils n’avaient jamais le droit de pénétrer au camp ; le kommandoführer M. Roth, couchait également dans une petite pièce voisine.
– Voici maintenant le témoignage d’un déporté allemand, Werner Reinsdorf, arrivé à Mauthausen en 1941, où il reçut le n° 535 ayant déjà appartenu à un détenu décédé. Il participa à la construction de la chambre à gaz et c’est lui qui fut chargé de munir la porte d’un dispositif d’étanchéité et qui posa le petit judas de verre :
– « … A 80 cm du sol, il y avait un tube dont l’orifice était tourné vers le mur afin qu’il ne puisse être remarqué. C’est par ce tube qu’arrivait le gaz… Je vis moi-même amener les Juifs à la chambre à gaz… »
– En ce qui concerne les gazages massifs d’avant la Libération, le témoignage (2) du professeur tchèque V. Busek Krankenlagerschreiber, est particulièrement significatif :
– « Dans la deuxième moitié d’avril 1945, le médecin-chef (S. S. Dr Wolter) ordonna de sélectionner trois mille malades et de les faire conduire au lager 3. Nous ne comprîmes pas immédiatement le sens de cet ordre, nous supposions qu’il préludait à l’évacuation du Revier… Durant ces jours, on parlait aussi d’un deuxième ordre concernant notre liquidation à tous, médecins et employés compris. Le premier jour, nous formâmes un groupe de huit cents malades que j’accompagnai au lager 3. Quand nous fûmes dans le camp, un S. S., dont je ne connais pas le nom, nous dit qu’il avait besoin de vingt personnes robustes pour transporter la soupe, mais c’était simplement un prétexte : en effet, il choisit les vingt derniers de la colonne qui étaient les plus malades et ne les conduisit pas à la cuisine, mais à travers la cour du crématoire vers la chambre à gaz… Dans cette première journée, sur mille deux cents sélectionnés, cent vingt furent gazés dans la nuit. La deuxième journée, nous sélectionnâmes encore des malades, les plus atteints, je les accompagnais et ce fut une terrible procession… A la porte d’entrée, je rencontrai le S. S. Trum qui me donna l’ordre de placer le groupe entier contre le mur en face de la buanderie. Trum me dit : « Voici les premiers qu’il faut conduire au bain… » en indiquant ceux qui étaient tombés à terre. Je suivis Trum et ces hommes jusqu’à l’entrée dans la cour du crématoire (bunker)… Je dis alors aux autres malades debout de me suivre au lager 3. Mais déjà Trum était ressorti du crématoire. Il m’ordonna de m’arrêter et me demanda pourquoi je n’avais pas laissé le groupe devant le mur en attente de la douche comme il me l’avait ordonné, puis me frappa brutalement, m’occasionnant une hémorragie à l’oreille, et me dit de sélectionner quatre-vingt-seize autres malades et de les conduire au crématoire. Montrant les sélectionnés, Trum me dit encore : « Fais bien attention, s’il en manque seulement un je t’inclurai dedans. »
« Aucun autre groupe de malade ne sortit du Revier : nous, déportés, médecins et employés, fûmes tous d’accord de refuser de faire d’autres sélections. Notre refus bloqua l’opération et le dernier mille fut sauvé, tandis que les gazages continuaient. Sur les 1819 déportés transférés au lager 3 durant ces journées, 1441 furent gazés. Pendant ce temps, était arrivée une colonne de la Croix-Rouge autorisée à prélever les Français, les Belges et Hollandais. Nous profitâmes de cette occasion pour faire passer comme Français cinquante déportés d’autres nationalités… Après le départ de la colonne de ia Croix-Rouge, l’extermination fut suspendue… Les conditions physiques dans lesquelles se trouvaient les survivants du lager 3 étaient tragiques, durant la dernière semaine, ils n’avaient pratiquement pas reçu de nourriture. »
– Je voudrais citer maintenant le témoignage d’un Français, Maurice-Georges Savourey, particulièrement digne d’attention car il fut rédigé le 4 mai 1945 à La Plaine, près de Genève, c’est-à-dire immédiatement après sa libération anticipée grâce à l’arrivée des convois
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