Les 186 marches
et qui, sauf un, firent partie des quarante-trois gazés du 28 avril. Il semble que certaines installations de la chambre à gaz aient été détruites après le 29 avril ; des gazages ont certainement encore eu lieu dans la nuit du 28 au 29 avril, car je me souviens de la dizaine de « civils » arrivés après notre transfert de Gusen l’après-midi du 28, comportant hommes et femmes, dont ce couple à cheveux blancs que je revois distinctement, qui restèrent le long du mur à droite de l’entrée et disparurent dans la nuit…
– Par contre, c’est dans la nuit du 2 au 3 mai, comme l’indique Kanduth, qu’eurent lieu les dernières exécutions dans le bunker de Mauthausen, quand y furent fusillés les membres du kommando du crématoire de Gusen (cinq détenus dont le kapo Schwende-mann), tandis qu’en ce dernier lieu étaient fusillés sept hommes du crématoire de Mauthausen.
– Citons un témoignage inédit en date du 19 septembre 1969, celui d’un témoin occasionnel d’un des gazages qui se produisaient parfois la nuit, Manuel Falo, n° 4.639. Il précise que, logeant au block 11, en face du bunker, il surprit au milieu de 1944, et vers 10 heures du soir, l’arrivée d’un convoi de Russes que les S. S., en présence de Ziereis et Bachmayer, firent déshabiller sur l’appelplatz, puis descendre par l’escalier… Plus tard, les S. S. firent sortir les détenus du block 11 et Ziereis leur adressa des menaces : « Vous avez tout vu, s’il n’y a pas de discipline vous irez au krema. » L’un des kapos du kommando krematorium, que M. Falo connaissait un peu, lui raconta par la suite que, pour activer l’exécution, un véritable massacre à coups de hache eut lieu afin de tasser les victimes dans la chambre à gaz.
Pierre-Serge Choumoff termine cette première partie de son étude en analysant longuement les documents allemands (en particulier échanges de lettres) relatifs aux livraisons de Zyklon B (1) à Mauthausen.
(1) Le nom de Zyklon B fut donné à des préparations d’acide cyanhydrique (CNH) à haute concentration, communément appelé acide prussique, libérant lentement l’acide gazeux au contact de l’air. Le Zyklon B était livré sous forme de cristaux de couleur bleue, dans des boîtes métalliques étanches (P. S. Choumoff).
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Cette installation fixe des sous-sols de Mauthausen n’était pas la seule chambre à gaz que pouvaient craindre les déportés du camp ou de ses kommandos. Au cours du premier trimestre 1941, dans un bureau d’études S. S. de l’état-major de Himmler, un jeune lieutenant, Becker, inventa le « camion chambre à gaz » destiné à faciliter le « travail » des Einsatzgruppen, ces groupes d’exterminateurs composés de Waffen-S. S. et de fonctionnaires de la Gestapo qui s’illustrèrent particulièrement dans les territoires de l’Est de l’Europe. Becker, aidé d’un mécanicien, transforma lui-même un camion Saurer. Bien que plusieurs adaptations du système soient connues, le principe de base resta le même : un tube est branché sur le tuyau d’échappement, une manette installée près du levier de vitesse permet de commander la direction que doit prendre l’oxyde de carbone du moteur. Le tube de dérivation aboutit bien évidemment à l’intérieur du camion préalablement rendu parfaitement étanche. Un seul geste et les voyageurs périssent en quelques kilomètres. Mauthausen fut doté de l’un de ces camions Saurer, probablement au cours du premier trimestre 1941. Il fonctionna à l’oxyde de carbone dès ses premiers voyages, mais les responsables de cette « installation mobile » préférèrent par la suite faire pratiquer un sas entre le corps du camion et la cabine de conduite par lequel il était facile – et probablement plus efficace – de faire glisser une boîte de cristaux de Zyklon B. Dans sa confession, Ziereis reconnut avoir conduit plusieurs fois cet « autocar » qui avait été demandé par le pharmacien S. S. docteur Wasicky. Le médecin tchèque déporté, J. Podlaha, témoigna au cours de plusieurs procès.
– « Je me souviens encore très bien de l’autocar (utilisé pour gazer les prisonniers)… (et) encore de l’épisode suivant : au block 19 (de Mauthausen) il y avait plus de deux cents déportés atteints de tuberculose. Un jour, avant l’appel du soir, l’autocar fut parqué à côté du block 16, Ziereis, le docteur Krebsbach et le pharmacien Wasicky,
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