Les 186 marches
personnage, il était trop tard, le jeune étudiant avait vendu son âme à Heydrich et Himmler. Par jeu ? par amitié ? par concordance ? par opportunisme ? Personne, semble-t-il, ne saurait répondre et les Mémoires de Schellenberg qui tissent un réseau tenace de protections et de labyrinthes, nous égarent avant de nous éclairer.
Schellenberg donc est S. S. et, en contrepartie de ses examens facilités et probablement protégés, il donne des conférences dans la ligne du Parti, sur la suprématie de la race, la préhistoire des Germains et l’« opium » des religions consacrées. Curieusement, alors que ces thèmes chers à Himmler devraient le propulser dans l’état-major du Reichsführer S. S., ce sont les rabatteurs de Reinhard Heydrich qui le ferrent. Mise à l’épreuve, compromissions – Heydrich ne lancera sa découverte dans les affaires que lorsqu’il aura, dans son coffre, les arguments irréfutables d’un chantage – premiers rapports secrets, le jeune homme tient ses promesses. Son ascension sera foudroyante malgré les oppositions des « rustres » du régime. Bien plus que ses charges officielles de responsable du contre-espionnage nazi, ce sont ses « intuitions » de directeur de l’information politique allemande qui lui donneront « le pouvoir »… mais pas « tout le pouvoir » car Hitler, le trouvant « tout de même trop jeune et trop gentil », refusera d’en faire le successeur de Heydrich après l’attentat de Prague et ce malgré le discours de Himmler prononcé devant le catafalque :
– Schellenberg est à la tête du service le plus compliqué et il est le plus jeune d’entre nous. Cependant, l’homme qui gît là le considérait comme digne de ce poste où il l’avait placé. Moi aussi, je l’estime capable d’assumer les tâches qui lui sont imposées. Par-dessus tout, il est incorruptible. Vous savez, messieurs, mieux que moi, les embûches que vous avez semées sur son chemin. Vous lui en voulez à cause de sa jeunesse et parce qu’il n’est pas un ancien membre du Parti national-socialiste. Je ne considère pas vos objections comme justifiées et je désire établir clairement, une fois pour toutes, que la décision en cette matière m’appartient. Il est, si l’on peut dire, le benjamin de notre équipe et c’est pourquoi il a droit à mon appui particulier. Je vous le dis franchement ici, en sa présence, parce que cela répond aux désirs de votre chef assassiné, et j’estime Schellenberg trop intelligent pour se laisser griser par ce que je viens de dire. Bien au contraire…
Schellenberg n’a que trente-deux ans et l’amitié de Himmler ne lui tourne pas la tête. Au mois d’août 1942, alors qu’il fait intégralement partie de la famille, – Himmler lui prête même son masseur-magnétiseur et un peu guérisseur Kersten, ce qui est la marque suprême de confiance – Schellenberg, peut-être influencé par celui que Himmler appelle le « docteur neurologiste finlandais », se décide à aborder franchement les problèmes que personne encore, dans l’Allemagne triomphante, n’a l’imagination de se poser ou n’ose se poser.
Contrairement à la majorité, pour ne pas dire à la totalité des dirigeants allemands, Schellenberg ne croit pas « que le blanc soit tout à fait blanc et le noir tout à fait noir ». Cet axiome ou cette évidence très diplomatique, oubliée depuis Bismarck, Schellenberg en avait fait une règle élémentaire de vie. Et dans les conclusions de ses rapports ou de ses analyses, il laissait toujours une ouverture « pour l’autre solution ».
– Ce qui m’inquiétait surtout, c’était le potentiel de guerre des Etats-Unis, qui n’avait pas encore été engagé, et la force de l’Armée rouge, toujours sous-estimée de nos grands chefs de la Wehrmacht, si confiants en leur puissance d’offensive et leur stratégie. Il n’avait pas été suffisamment tenu compte de l’immensité de la plaine russe, ni du climat rigoureux. Bien que de réelles améliorations aient été apportées dans les unités motorisées de la Wehrmacht, il y avait encore beaucoup de défaillances. Les pistes pour tanks, par exemple, n’étaient pas assez larges et les chars se trouvaient souvent embourbés. Les moteurs fonctionnaient mal par le froid extrême ; très souvent, les tourelles ne pivotaient pas et bien d’autres complications surgissaient dans les divers types d’armes.
– Notre
Weitere Kostenlose Bücher