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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’organisation de Résistance intérieure étaient partis la veille, il fallut reconstituer les cadres ainsi démembrés. Il fallut pourvoir aussi, dans certains kommandos, aux vides laissés par les départs. Le lundi 23, je fus désigné pour travailler à la Schreibstube, en remplacement d’un compatriote, le Toulousain B… La Schreibstube, avec Pany, Marsalek et Juan Diego, était le levier de l’organisation internationale de Résistance. Le lundi soir, donc, j’allai me présenter à Kunes Pany, Lager-schreiber I ; il m’indiqua ce que j’aurais à faire à partir du lendemain matin.
    – Puis sonna l’heure du couvre-feu et nous rentrâmes dans les blocks. Mais, vers 10 heures du soir, alors que nous étions déjà couchés, le Schreiber du block 10 où je logeais alluma les lumières et commença d’appeler des noms : c’étaient tous des Français, des Belges, des Luxembourgeois ou des Néerlandais. Au même moment, la même opération se faisait dans tous les blocks numérotés de 1 à 15. Seuls étaient exceptés de l’appel les hommes qui travaillaient à un kommando de nuit ; ils étaient particulièrement nombreux dans le block 15 où se trouvaient réunis les travailleurs de l’usine Messerschmidt de la carrière qui suivaient le régime des 2 * 12.
    – On ne nous donna pas la raison de cet appel, mais nous devinâmes immédiatement qu’il s’agissait d’une libération. De fait, on nous conduisit à l’Ef-fekten Kammer où quelques-uns rentrèrent en possession des objets précieux qu’on leur avait confisqués à leur arrivée ; on me remit un sachet contenant mon alliance. Puis, à la Häftlingsbekleidungskammer, on nous donna des vêtements civils non pourvus du fameux panneau rayé blanc et bleu. Bachmayer assistait à cette distribution ; je me rappelle avoir rencontré le regard, toujours dur, glacial, de ses yeux gris-bleu, mais qui trahissait peut-être, cette nuit-là, un peu de désarroi.
    Charles Steffen, l’envoyé du C. I. C. R. est arrivé à Mauthausen dans la soirée du 23 avril, alors que le colonel Rubli franchit la frontière suisse. Charles Steffen attend depuis plus de deux heures que Ziereis veuille bien le recevoir et lui accorder la libération des cent quatre-vingt-trois déportés dont le nom figure sur la liste. Les camions de la Croix-Rouge débordent de colis.
    – A minuit tout sera déchargé, dit Ziereis, et vous pourrez embarquer les prisonniers.
    – Puis-je pénétrer dans le camp pour assurer la distribution ?
    Ziereis s’étrangle de colère. Steffen insiste :
    – Les accords prévoient que le délégué de la Croix-Rouge non seulement doit distribuer les colis, mais encore s’installer dans le camp jusqu’à la Libération.
    Ziereis hausse les épaules.
    – L’attente  du départ nous parut longue, interminable. Les camions s’ébranlèrent un peu avant le lever du jour. On avait donné à chacun de nous l’équivalent de trois rations quotidiennes de pain et de « saucisson » ; mais nous n’avions guère envie d’y toucher ; notre espoir et notre joie n’étaient pas exempts d’anxiété.
    – Nous passâmes non loin de Linz. De temps en temps, le convoi faisait halte ; les quelques S. S. qui nous escortaient (c’étaient en réalité des hommes de la Volksturm déguisés en S. S.) n’exerçaient sur nous qu’une surveillance sommaire, se bornant à nous interdire de nous éloigner des camions. Dans l’après-midi du mardi 24, on nous arrêta dans un village de Bavière, dont je ne me rappelle plus le nom. Aucune explication ne fut donnée de cette halte ; mais nous nous inquiétâmes vite de sa durée insolite. Le S. S. qui dirigeait le convoi paraissait nerveux ; nous le vîmes se diriger à plusieurs reprises vers un poste téléphonique. Y avait-il contrordre ? Allait-on nous ramener vers l’est ? Nous décidâmes de résister et de nous disperser si une tentative de ce genre était faite. Mais après trois heures d’attente, les camions se remirent en route dans le bon sens. Je me souviens d’avoir passé la nuit suivante dans une ferme ; il faisait très froid ; quelques-uns d’entre nous se glissèrent dans un énorme tas de foin ; d’autres se couchèrent auprès des vaches, cherchant la chaleur animale.
    – Le mercredi, l’itinéraire suivi fut incohérent. On entendait par moments le bruit des canons ; nous ne devions pas être très loin du front ; alors les camions se

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