Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
déroutaient vers le sud. Le soir, nous arrivâmes à Lindau, sur le lac de Constance. La ville était sens dessus dessous. Je revois la foule assiégeant les magasins, particulièrement les boulangeries. Une heure plus tard, nous franchissions la frontière helvétique à Sankt Margrethen. Les S. S. de l’escorte furent alors remplacés par des militaires suisses. L’appétit s’étant réveillé quelques heures après le départ de Mauthausen, nous avions assez vite épuisé nos provisions et, depuis le mercredi matin, nos estomacs criaient famine. Mais à peine entrés en Suisse, nous reçûmes de la population, à chaque arrêt, des fruits, du chocolat, des cigarettes. La nuit était tombée lorsque nous arrivâmes à S. Gall. On avait préparé pour nous recevoir les locaux d’un collège technique, transformé en centre d’accueil sous la direction d’un officier du service de santé. Nous y retrouvâmes nos camarades du premier convoi, qui avaient quitté Mauthausen le dimanche soir. Ils nous apprirent entre autres choses qu’à l’heure même où notre convoi avait été stoppé en Bavière, la veille, le leur avait été aussi arrêté et pris à partie par des membres de la Jeunesse hitlérienne de Lindau, qui avaient voulu les contraindre à rebrousser chemin, alors qu’ils atteignaient la frontière. La résistance des déportés, aidée par l’attitude ferme des autorités helvétiques, avait fait avorter cette tentative.
    – Nous devions rester à S. Gall jusqu’au 2 mai, entourés de beaucoup de soins et soumis à un régime alimentaire d’une austérité qui, sur le moment, nous déçut, mais qui était savamment calculée et nous fut certainement salutaire. Si notre impatience s’accentuait, elle était désormais exempte d’inquiétude ; nos familles avaient été très vite prévenues de notre retour prochain et plusieurs d’entre nous reçurent même des nouvelles de chez eux avant d’avoir quitté la Suisse.
    Emile Valley, pour défendre les intérêts des Français au sein du comité international de Résistance (de nombreux Français sont encore dans les colonnes d’évacuation des kommandos), et le docteur Jean Benech, pour soigner ses malades, restent volontairement au camp alors que « leur place est retenue » dans les autocars de la Croix-Rouge.
    – Nous (!) vîmes aussi arriver les échappés nazis de Vienne, fuyant devant la poussée des Russes. Ce fut ahurissant : les somptueuses voitures S. S. défilaient, occupées par les femmes des nazis, couvertes de douillets manteaux de fourrure. Il ne nous parvenait que des récits transmis de bouche en bouche. Les nazis fuyaient. Nous vîmes aussi arriver sur le terrain de football des S. S., les magnifiques pompes à incendie des villes repliées. Mauthausen était devenu un refuge de fuyards. Plus tard, je vis les abords du camp. On a critiqué nos replis et nos fuites de 1940, mais ce fut une petite chose à côté de la débâcle allemande ; tout est toujours grand chez eux et au-dessus de tout. Inutile de marquer la nervosité des affamés dont les rations diminuaient. L’anarchie de la faim. grandissait et les morts. se faisaient plus nombreux tous les jours.
    – Les médecins français furent avisés sur un mot d’ordre semi-clandestin de se réunir à la baraque 6. A mon grand étonnement, au milieu de tout ce désarroi, il fut annoncé que les médecins français, par les soins de la Croix-Rouge, allaient être emmenés en Suisse. Si j’en ai bir. 1 le souvenir, c’est le bon et toujours compatissant docteur Chanel qui fit l’annonce. Ils seraient emmenés en même temps que les femmes venues de Ravensbruck, ainsi d’ailleurs que d’autres Français. A la réunion, je ne laissai, après information, personne prendre la parole et je dis simplement :
    – « Je suis le plus vieux, de plus je suis toujours inspecteur de la Santé, représentant le ministre de la Santé ; je resterai pour assurer les soins des malades du Revier, votre devoir est de gagner la Suisse. »
    – Le lendemain matin, mes camarades gagnaient le grand camp. Je restai à l’Isolierblock avec un jeune étudiant en médecine lyonnais Michel.
    – Les colis nous sont distribués. Quelle débauche d’aliments : chocolat, conserves, pain d’épice, cacao, margarine, sardines, confiture et des gauloises ou de gris ! Après l’appel, tout le monde est casé dans la baraque. Les Français restent dehors et chacun reçoit un

Weitere Kostenlose Bücher