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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Bronchite, 39° 5, départ pour le Revier ou quelques cachets d’aspirine entrés en contrebande me font le plus grand bien. Un jour, la porte s’ouvre et j’aperçois un déporté qui tire par la queue un chien berger mort. Il dit : « C’est pour les malades… dépêchez-vous de le faire cuire. » Ecorché, dépecé, cuit sur un coin de poêle… C’était délicieux. Jamais je n’ai, de ma vie, mangé un steack avec autant de plaisir, de délectation. Nous apprîmes le lendemain que nous avions dégusté le dogue chéri du chef de camp. La peau, les os, les abats furent enterrés dans le sol même de l’infirmerie.
    – Voilà, c’est fini ! Je me sens partir. Plus de volonté, une tranquille somnolence, insensibilité totale. Je vais y passer. Le doigt de l’officier sélectionneur se pose sur ma poitrine. Je rejoins le groupe des « sortants » rassemblés devant le Revier. Nous sommes condamnés. Mais quelqu’un veillait. J’étais le dernier de la file. Borras, l’interprète espagnol du camp, le fidèle Borras, vint près de moi. « Laisse-toi faire ! » Et il me prit par la manche. Un camion, moteur ronflant, se préparait à sortir du camp. Sur la plate-forme plusieurs déportés au triangle bleu. Les portes de l’enceinte s’ouvrent pour laisser sortir le camion. Soudain, pour une ou deux secondes, je retrouve ma lucidité. J’accélère le pas. Borras me tire. Je suis à l’arrière. Des bras me happent. Le camion roule. Quelques heures après, je débarque dans le kommando de Termperley, le kommando César qui était composé uniquement d’Espagnols. L’effectif comptait un déporté de trop. Les « secrétaires » allaient s’arranger. Le docteur Rigau me prit en charge et me redonna force et goût à la vie.

LES TROIS CASABONA
    Ils  étaient trois : le père et deux fils.
    Ils étaient trois déportés comme les autres, sauf qu’à eux trois ils composaient toute une famille. Trois combattants de la République espagnole arrivés à Mauthausen ensemble, après les dures épreuves de la guerre d’Espagne, les camps de France, la ligne Maginot, la drôle de guerre…
    Le père, Don Julio, était vétérinaire ; Antonio, le fils aîné, cultivateur, et Julio, le cadet, étudiant. Ils étaient de Sarinena en Aragon.
    Lorsqu’ils arrivèrent à Mauthausen et que Ziereis sut que Don Julio était vétérinaire, il le fit affecter à la porcherie (il existait à Mauthausen, dans un des angles du camp, une grange où les S. S. élevaient de nombreux cochons, mieux nourris que les prisonniers… et parfois avec la nourriture qui leur était destinée). Don Julio réussit à faire affecter son fils aîné au gardiennage des porcs. Julio, après un séjour à la carrière, fut employé à la cuisine pour transporter les pommes de terre destinées aux S. S., et vers 1944 était devenu le responsable du groupe qui transportait les légumes nettoyés dans les sous-sols de la cuisine des prisonniers jusqu’à celle des S. S. Il y avait dans ce groupe une dizaine d’hommes qui transportaient les bouteillons métalliques et passaient régulièrement devant le contrôle de la tour d’entrée. Au retour au camp intérieur, ils ramenaient dans les bouteillons les restes de nourriture laissés par les S. S. et qui étaient destinés aux porcs.
    L’organisation de résistance demanda à Julio de collaborer à la lutte clandestine en acceptant de rentrer certains objets ou denrées, soustraits aux S. S., soit dans leur cuisine, leur magasin ou leurs ateliers, et celui-ci, sans hésiter une seconde, accepta d’y participer. Il y avait le danger du contrôle des S. S., qui remuaient parfois le contenu des marmites à l’aide d’un manche de pioche. C’est ainsi que commença notre « trafic » d’articles volés à nos bourreaux. Au début, ce furent des petits sachets de sucre enveloppés avec une toile imperméable, puis ce furent des boules de pain, et, plus tard, des munitions et des revolvers pris dans l’armurerie des S. S., ainsi que des bouteilles d’essence provenant du garage S. S. et des ateliers de la carrière.
    Les responsables de l’organisation clandestine espagnole ayant étudié tous les moyens profitables à ces activités s’étaient rendu compte de l’importance que le groupe en question pouvait représenter, mais il fallait rendre possible cette activité par la collaboration collective. Une véritable toile d’araignée fut tissée : le prisonnier

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