Les 186 marches
temps où ces travaux furent accomplis, les S. S. plaçaient une sentinelle à l’endroit où débouchait la tranchée, c’est-à-dire en dehors du périmètre électrifié et surveillé la nuit, une fois les prisonniers rentrés dans le camp intérieur.
– Fritz et ses compagnons, qui travaillaient à la carrière, préparèrent leur évasion pour le jour où la tranchée, complètement terminée, devait être comblée de terre et murée avec du ciment. A l’aide de quelques planches et de cartons, Fritz ferma le « passage extérieur » et coula une fine couche de ciment sur ce plancher fragile. Les S. S. ayant vu le trou cimenté enlevèrent la sentinelle ce jour-là.
– La nuit venue, ils se glissèrent dans la tranchée-tunnel, passèrent sous l’enceinte électrifiée et débouchèrent à l’endroit où Fritz avait « muré » le passage. Ils enlevèrent les cartons et les planches et sortirent du camp. Ensuite ils descendirent à la carrière où le passage de la deuxième ligne de barbelés était plus facile. Puis ce fut la fuite à travers champs et villages.
– Pendant quatre ou cinq jours, ils déambulèrent à travers l’Autriche, mais les S. S. ayant donné l’alerte, ce fut une véritable chasse à l’homme qui s’organisa. Comme toujours, lorsque des prisonniers étaient recherchés, les S. S. menaçaient la population civile, et lorsque Fritz et ses amis allèrent chercher à manger dans un des villages, il furent dénoncés et repris par la Gestapo.
– Ramenés à Mauthausen, ils furent longuement torturés, puis soumis à une atroce mise en scène : pour eux, l’orchestre des déportés interpréta spécialement la chanson française : « J’attendrai ton retour… » Les S. S. les obligèrent à monter chacun sa propre potence. Leur pendaison se fit devant la totalité du camp rassemblé. Un à un les quatre Allemands gravirent les marches de la potence. Le deuxième passa la corde au cou du premier, le troisième au deuxième, Fritz au troisième. Fritz – organisateur de l’évasion – avait été gardé pour la fin. Il dut se passer la corde lui-même.
– La pendaison finie, tous les déportés sans exception furent obligés de passer, un à un, devant les quatre corps pendus en levant les yeux. Ziereis, Bachmayer et toute la horde S. S. se tenaient tout près, avec des nerfs de bœuf à la main… Et malheur à celui qui ne regardait pas les pendus !…
HIMMLER DIÉTÉTICIEN
Si l’on voulait dresser la liste des « idées fixes » (que ses intimes appelaient ouvertement « dadas ») de Heinrich Himmler, Reichsführer S. S. et grand maître des camps de concentration, l’ensemble de ce volume n’y suffirait pas. La correspondance de l’ancien éleveur de poulets, diplômé d’agronomie et adepte de la secte naturaliste Artamane, est probablement le document le plus important pour comprendre les paradoxes d’Oncle Heini et la « banalité du mal » du III e Reich.
Oui, Himmler aux « cent visages », capable de dicter l’ordre de détruire un ghetto, de faire fusiller tous ses occupants et quelques heures plus tard de réclamer une sanction exemplaire contre un commandant de camp de concentration qui nourrit mal ses déportés… Himmler persuadé « que la mortalité dans les camps est identique à celle enregistrée sur l’ensemble du territoire », est stupéfait d’apprendre que l’on ne peut trouver un seul cancéreux dans un K. Z. sur qui l’on pourrait tenter des expériences médicales.
Himmler s’est occupé de mille et un problèmes et il est étonnant de constater que plus de la moitié n’avaient rien à voir directement avec la guerre, le Parti ou la sécurité. Il est certain que sa première « idée fixe » a du mal à se fixer… Elle caresse avec sérieux et compétence la préhistoire, flatte le folklore et les traditions populaires, se complaît dans l’ésotérisme pour s’enliser dans le charlatanisme. Celui qui rêvait d’accrocher dans son bureau une fresque pariétale authentique de Niaux ou de Lascaux se contentera d’un cendrier en porcelaine d’Allach (frappé d’un mauvais profil de bison et de trophées de bouquetin). Et il en est toujours ainsi chez Himmler : le rêve est gigantesque… la réalité médiocre ; la pureté de l’Ordre Noir et de la Race (Hitler l’appelait son Ignace de Loyola), les mois passant, sombrera avec l’amalgame des nouveaux combattants et le chantre de
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