Les 186 marches
cours des premiers mois de cette année 1944, la Staatspolizeileitstele de Vienne envoya au camp de concentration de Mauthausen, un cadavre et un télégramme. Ce télégramme ordonnait qu’il fallait inscrire dans la liste des décès de Mauthausen, le détenu dont on citait le nom. Il fallait le considérer comme décédé à Mauthausen et renvoyer à Vienne une copie des papiers de décès, ainsi que du certificat d’autopsie. Ainsi fut fait. On mentionna comme cause de décès : faiblesse de l’appareil circulatoire.
– En maints cas d’accidents de. travail, la mort du détenu ne survenait pas sur-le-champ, mais quelques heures ou quelques jours plus tard au camp des malades.
– Il en était de même des détenus qui avaient été grièvement blessés lors des attaques aériennes et enfin de ceux qui furent pendus ou fusillés, officiellement. Par exemple, un jour arriva un avis par téléphone d’un camp extérieur ; un détenu avait été fusillé parce qu’il avait opposé « une résistance ». On inscrivait « mort naturelle », due à une faiblesse circulatoire. Il en fut de même pour les détenus accidentés qui mouraient peu après.
– Depuis la création du camp jusqu’à la débâcle, mille détenus au maximum ont été effectivement fusillés parce qu’ils tentaient réellement de fuir. Les autres, qui furent abattus dans les mêmes circonstances, ont été « pratiquement » assassinés. Parmi les cinquante-quatre mille décès figurant dans la liste des morts, cinq mille au moins ont été assassinés de la sorte. En règle générale, l’affaire se déroulait selon un processus fixé. Pour autant que le détenu fasse partie directement du camp de Mauthausen et non d’un des camps extérieurs, il était versé pour une prestation de travail au « kommando de construction » qui, dans le langage du camp, s’appelait « compagnie disciplinaire » (straffkompanie). Le travail du détenu consistait à transporter, de la carrière « Wienergraben » aux endroits où l’on en avait besoin, de grosses pierres destinées à la construction. Les kapos de ce « kommando » et les chefs de kommandos S. S. étaient munis de bâtons. Ils frappaient les détenus selon leur humeur du moment, lorsque les malheureux ne pouvaient presque plus avancer et ployaient sous le faix. Ils exigeaient d’eux le pas de course. Afin d’éviter les coups, troublé comme on le conçoit, l’un ou l’autre des détenus quittait le rang et arrivait au barrage qui entourait le chantier de travail. Alors, il était abattu par un garde, soi-disant parce qu’il essayait de fuir. Si le premier coup de feu ne tuait pas, on laissait le détenu blessé sur place. Quelquefois, plus tard, seulement, on l’achevait d’une deuxième ou d’une troisième balle. On procéda selon une autre méthode vis-à-vis des détenus qui faisaient des travaux de terrassements. Ils reçurent l’ordre d’aller chercher du sable ou des pierres à un endroit déterminé, situé en dehors des postes de garde. Ils coururent, craignant les coups et les gardes les abattirent pour tentative d’évasion.
– En ce qui concerne certains détenus qui, le matin, accompagnaient le kommando de travail au Wienergraben, on disait clairement aux chefs du kommando et aux kapos que tel ou tel détenu bien déterminé, ne retournerait pas le soir, c’est-à-dire qu’il devait être « abattu alors qu’il fuyait ». Cela se fit à tel point que les détenus désignés savaient ce qui les attendait et faisaient régulièrement leurs adieux à leurs camarades. Si un détenu avait été abattu alors qu’il fuyait, une enquête avait lieu dans chaque cas. On prenait des photographies. Le médecin S. S. devait constater le décès.
– Le médecin S. S. dressait un rapport réglementaire relatif à l’examen du cadavre. Mais, en réalité, ce rapport était écrit par le détenu Ullrich. Souvent, ce rapport parlait de la nécessité d’une autopsie. Celle-ci était pratiquée effectivement par deux médecins S. S. où l’on établissait un procès-verbal d’autopsie. Alors, le garde qui avait tiré était questionné et devait rendre des comptes. L’interrogatoire se faisait par les soins de l’Unterscharführer Krüger. Tous les documents étaient alors envoyés au tribunal de police des S. S. de Vienne.
– Régulièrement, on demandait de ne pas entamer une procédure d’enquête contre le gardien S. S. car celui-ci
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