Les 4 vies de Steve Jobs

violoniste aux commandes d’un Stradivarius authentique.
    Les instituts d’analyse qui testent NeXTSTEP n’en croient pas leurs yeux. Le logiciel bat à plate couture ses divers concurrents, quand il ne les écrase pas de manière pitoyable. En comparaison, Windows apparaît comme une quincaillerie maladroite, un danseur boiteux qui aurait abusé de tequila.
    C’est avec NeXTSTEP que va s’écrire le deuxième chapitre de l’histoire de NeXT. La perle est là, ceux qui l’ont approchée en témoignent. Au diable le matériel, c’est avec ce logiciel que va s’écrire la geste du chevalier NeXT.
    La nouvelle mission de Jobsest tracée : imposer la perfection maison sur la surface brillante des écrans de cette petite planète. Sa croisade demeure encore et toujours la même : changer le monde en l’embellissant. Faire triompher l’esthétique et le bon goût.
    L’ère de NeXTSTEP est avancée !
    Que NeXTSTEP soit !
     
    C’est en février 1993 que Jobsannonce que son nouveau combat s’articule autour de NeXTSTEP . Avec un leitmotiv : proposer NeXTSTEP sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un ordinateur, à commencer par les omniprésents PC.
    C’est la société CKS Partners qui a aidé Jobsà définir cette nouvelle stratégie. Une longue enquête a été menée auprès des responsables informatiques des 500 premières entreprises américaines. Il en est ressorti que, pour la plupart, ils ignoraient les possibilités de NeXTSTEP . En revanche, un message plus marquant est venu des mordus d’informatique de ces mêmes sociétés : ils ont découvert que NeXTSTEP facilitait énormément la programmation de logiciels. Certains sont même allés jusqu’à clamer :
    « Vous avez le meilleur produit jamais vu mais vous ne le savez même pas. Pis encore, vous n’essayez même pas de nous le vendre sous cet angle ! »
    Comme l’a rapporté Jobslui-même : « Les entreprises venaient nous voir pour nous dire : “Bandes d’idiots, vous n’avez rien compris !” »
    « Notre mission principale est d’établir NeXTSTEP comme un système d’exploitation leader des années quatre-vingt-dix », déclare le Jobsnouveau. Désormais, c’est ce message qui va être martelé à tout-va. NeXTSTEP est la solution de rêve pour les entreprises, NeXTSTEP va leur faire économiser beaucoup d’argent, NeXTSTEP va même leur en faire gagner. L’un des arguments que Jobs assène régulièrement est qu’avec NeXTSTEP , trois personnes peuvent accomplir ce qui en réclame deux cents chez Microsoft 93  !
    Dès le mois de juin 1993, NeXTSTEP fait son entrée sur les processeurs Intel 486. La conquête est en marche.
     
    Hélas, la situation n’est toujours pas d’un rose éclatant et il semble que la traversée du désert soit appelée à durer. Pas un seul constructeur de PC ne semble encore envisager d’embarquer NeXTSTEP en remplacement ou même en complément du piètre Windows . Jobsvient faire l’article auprès de Hewlett-Packard, de Sun et autres acteurs majeurs de la scène informatique. En vain. Le système avant-gardiste n’arrive pas à convaincre les fabricants d’ordinateurs.
    En octobre 1993, le journaliste Joseph Nocera, de Gentlemen’s Quarterly , résume la tonalité générale dans un article où il s’auto-flagelle, estimant qu’il s’est fait berner par le charisme de Jobs.
    « Comme de nombreux autres, j’ai passé mon temps à me pâmer pour Jobs. Il savait exactement quels boutons pousser. Il a démarré NeXT avec une foi inébranlable dans ses propres communiqués de presse, faisant perpétuellement l’impasse sur ses erreurs, tandis que ses supposés triomphes étaient fortement survendus. »
     
    NeXTSTEP n’est pas le seul facteur de soucis de Jobs. Le 17 novembre 1993, Jeffrey Katzenbergfait volte-face et annonce que Disney annule le projet Toy Story  !…
    Alors que la panique règne au sein de Pixar, JohnLasseterprend le taureau par les cornes. Le scénario proposé à Disney est revu de fond en comble. Une idée forte ressort : celle de la rivalité entre deux jouets, d’une part Woody, le cowboy à l’ancienne qui jouait jusqu’alors le rôle de chef incontesté et, d’autre part, Buzz l’Éclair, l’astronaute flambant neuf qui représente la modernité, la haute technologie, et qui va s’imposer naturellement comme le nouveau leader, au grand dépit de Woody. Comme dans tout bon Disney, cette concurrence va se