Les 4 vies de Steve Jobs

changement.
    Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j’ai découvert de plus efficace pour prendre des décisions importantes. Parce que presque tout – tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec – s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.
    Il y a un an environ, on découvrait que j’avais un cancer. J’étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m’a raconté qu’en examinant le prélèvement au microscope, les médecins se sont mis à pleurer, car j’avais une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On m’a opéré et je vais bien.
    Ce fut mon seul contact avec la mort, et j’espère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Grâce cette expérience, je peux vous le dire avec certitude : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au neuf.
    En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d’être aussi dramatique, mais c’est la vérité. »
     
    Une fois ces trois leçons de vie énoncées, Jobspoursuit en exposant sa philosophie de l’existence.
    « Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonniers des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.
    Soyez insatiables. Soyez fous.
    Merci à tous. »
     
    En cette année 2005, Steve Jobsest loin d’avoir dit son dernier mot. Une nouvelle vision se dessine à présent, comme s’il percevait encore et toujours mieux que quiconque les aspirations indéfinies de ses contemporains. L’iMac était une audace qui a été payante. Mac OS X a été la conclusion heureuse d’une aventure démarrée il y a bien longtemps avec NeXT. L’iPod est devenu l’appareil de prédilection d’une génération.
    Or, s’il est un objet qui semble voué à devenir l’inséparable compagnon de tout un chacun, celui que l’on porte couramment sur soi en toutes circonstances, ce n’est certes pas un lecteur musical. En ce milieu de décennie, le téléphone mobile a remplacé la montre d’autrefois : collé au corps, à portée de main, incontournable. Il reste à lui faire subir une mutation. Quelques smartphones sont apparus et ont tenté de le transformer en ordinateur sans grand succès. Pourtant, l’avenir du téléphone de poche est là : devenir un ersatz d’appareil universel, un ordinateur connecté au Web, une console de jeu, un lecteur d’e-mails, de musique, de vidéos…
    Ce qui manque au téléphone mobile, c’est une interface digne de ce nom. Une facilité d’usage comparable à celle du Mac. Pour cela, il faut briser le consensus, repenser l’objet de fond en comble plutôt que de le calquer sur les appareils d’antan. Que faire d’un objet que l’on porte constamment en main ? Quelle serait la façon la plus évidente de le piloter ? Le tactile…
    Vers la mi-juin 2004, Nintendo avait ouvert la voie avec une console de jeu que l’on commande à partir d’un stylet. La DS n’est pourtant qu’une ébauche, car le stylet le plus naturel qui soit, c’est le doigt… Toujours disponible.
    Il ne reste plus qu’à définir une nouvelle façon d’utiliser ces doigts, la plus intuitive possible…
     
    En 2004, l’iPod engrange 16 % des revenus d’Apple mais Jobsa clairement perçu que l’appareil serait menacé à terme par d’autres appareils, appelés à intégrer la lecture de chansons parmi d’autres services. Certains s’accordent à penser qu’un ordinateur de poche, dans la lignée du Palm, pourrait