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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pas messire… Et j’ai accompagné ton père à Roquetaillade, Chalabre, Caudeval… Rien d’autre que de bonnes paroles apitoyées !… Pourtant il proposait de vendre quelques terres… Nous sommes allés chez le père d’Aliénor, à Mirepoix. C’est un petit-bourgeois… Il a gratté partout et rassemblé trente écus…
    Oriabel tordait et détordait l’encolure de sa chape grise. Un silence net, désespéré, s’était installé, à peine troublé par les grésillements du flambeau que Tiercelet tenait toujours. Il l’approcha de celui que la jouvencelle avait éteint juste avant de se glisser dans le lit. Il fit plus clair. La chambre en devint plus misérable encore.
    – Qu’allons-nous faire ?
    – J’ai amené cinquante écus pour ton usage.
    – Si je les donne en acompte à ce coquin…
    – J’ai dit pour toi, interrompit Tiercelet. Pas pour Bagerant ! Baissons la voix… Dis-toi qu’avec cinquante écus, tu pourrais obtenir quelques accointances si par malheur la fallace 67 que j’ai en tête tournait mal… Adonques, je les conserve pour le moment car si tu les possédais, tu commettrais des erreurs de jugement et de personnes… En fait, il me paraît qu’il n’y ait qu’un seul gars sur lequel nous puissions compter… Et c’est Jean Doublet, qui était à la table des chefs, le soir de notre arrivée…
    – Je m’en souviens… Il parolait très peu.
    – Il m’a dit quelques mots… Je crois qu’il est ici contre sa volonté.
    – Il peut devenir notre allié !
    – Notre allié ?… Non… Mais imaginons qu’il commande à des hommes lancés à notre pourchas… Il peut faire en sorte de les retarder ou de les égarer… Nous n’en sommes pas là. Ce qu’il faut, c’est penser à tout. Au meilleur comme au pire…
    Il y eut dans la nuit des sabotements sourds. Tiercelet s’en alla regarder par une archère. Le martèlement dura plus longtemps qu’à l’accoutumée.
    – Des torches… Au moins deux cents hommes et, détaché d’eux, un chef en haubert blanc, une guisarme à la main : le Petit-Meschin, j’en jurerais.
    – Où vont-ils ?
    – Comment le savoir, compère ? Et puis pour nous, quelle importance ?
    La fausse aurore qui, du fait des lueurs, avait un long moment éclairci les embrasures, se résorba lentement. Tiercelet revint s’asseoir, vit un reste de pain sur la table et l’écrasa entre ses mâchelières. Puis il vida le reste du pichet :
    – Je n’ignore rien, Tristan, de ce que tu penses et ressens. J’ai fait au mieux… On ne peut même pas payer ce fumier de Naudon en monnaie fourrée !
    Oriabel n’était plus tentée de dire un mot. Elle occupait le centre de cette déconvenue prévisible avant même que Tiercelet ne fut parti pour Castelreng. Tristan baisa la jouvencelle au front, baiser de déception et d’ennui plutôt que de réconfort ; elle l’en remercia d’un battement de cils et se jeta sur le lit, se glissa dedans et sanglota, la couverture au-dessus de sa tête afin d’étouffer ses pleurs. Tristan voulut se pencher.
    – Non, lui enjoignit Tiercelet en l’empoignant par l’épaule. Tu la consoleras quand je serai parti. Parlons entre hommes ! Si tu m’obéis, vous serez sauvés.
    Disant cela, l’ancien mailleur exigeait davantage qu’une attention : une dépendance sans faiblesse, une énergie qu’il croyait peut-être dissoute dans l’amour et la réclusion.
    –  J’ai perdu une demi-journée, mais je suis allé à Lyon. La cité n’est pas belle à voir pour un homme comme moi : elle regorge d’hommes d’armes. Ils vont venir, c’est sûr, devant Brignais.
    – Quand ?
    – Cela ne saurait tarder. En mangeant dans un bon hôtel… grâce à un emprunt que je te rembourserai, j’ai su que cette grosse bête de Tancarville, qui avait réuni une partie de l’ost à Autun, n’avait rien trouvé de mieux que de passer commande d’échelles et de mantelets aux charpentiers de Lyon. Plutôt que de les prendre au passage en marchant sur Brignais, il est venu les chercher avec cent hommes et vingt haquets pour les emmener à Autun. Ce qui prouve non seulement qu’il est un sot, mais qu’il a l’intention d’assaillir cette belle demeure où nous sommes !
    – S’il avait vu ce château, il aurait su qu’on le peut envahir en passant par les toits des maisons qui l’entourent à demi !
    – On dit aussi que ses guerriers grognent de plus en plus car ils n’ont pas touché

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