Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
devenir.
    – J’ai peur de tout sauf de toi, chuchota Oriabel.
    Tristan acquiesça, la gorge si serrée qu’il douta de pouvoir exprimer sa pensée :
    – L’espérance, m’amie, est notre seul trésor.
    Il le pressentait autant qu’elle : ils perdraient bientôt l’innocence de leur intimité. Si Tiercelet tardait, ils deviendraient les jouets et les proies d’une haine dont, s’il s n’en pouvaient évaluer l’ampleur, ils pouvaient augurer la fureur. Leur amour net et clair comme, précisément une lame, ne les garantissait pas du piège dans lequel, autant que leurs corps, leur jeunesse pourrait choir.

VIII
     
     
     
    Trois jours plus tard, à la mi-nuit, quelques coups à la porte désenchantèrent les amants.
    – Bon sang ! enragea Tristan, c’est la première fois que cela nous advient !
    Dans les ténèbres, un rai lumineux, au ras du pavement, indiquait le seuil de la chambre.
    – Qui est-ce ? demanda Tristan, une main sur la prise de son épée.
    – Moi, Tiercelet.
    Le verrou grinça. Le brèche-dent entra, portant un flambeau. D’un regard il vit les pichets sur la table. Il restait du vin, qu’il but goulûment. Puis, s’essuyant les lèvres de son avant-bras :
    – Bon sang, ça fait du bien… J’arrive… Je ne suis pas allé au Mont-Rond… Je connaissais les gars de garde au pont-levis… Celui qui veille à votre porte n’a fait aucune objection : j’avais un écu dans la main, mon perce-maille dans l’autre… Il m’a même offert de quoi nous éclairer !
    – Tu es le premier visiteur que nous accueillons avec joie !… Parle !
    Considérant Oriabel, mal ensevelie dans sa rude chape grise, toute frissonnante de joie et d’un reste d’étreinte, et lui, Tristan, ceint de ses braies encore gonflées sur le devant, Tiercelet se permit un sourire :
    –  Ressaisissez-vous, si j’ose dire !… Asseyez-vous sur le lit ; moi, je prends ce banc…
    Son regard pâle et comme fané de lassitude se posa derechef sur la jouvencelle et s’adoucit encore. C’était un regard de frère, bien que l’admiration en fût immense.
    – Raconte-nous, dit-elle avec la ferveur d’une prière.
    – À trop penser à ce que j’allais vous dire, voilà que mes idées s’éparpillent.
    – Prends ton temps, dit Tristan. Tu es présent. C’est bon de te revoir !
    Tiercelet était son aîné. Il subissait déjà son ascendant. Et quel besoin d’apprendre le démangeait !
    – J’ai vu ton père. Il m’a reçu courtoisement.
    Des images ténébreuses envahirent la tête de Tristan : Thoumelin de Castelreng, méfiant à juste raison, accueillait Tiercelet. Il lui offrait un siège et un hanap du vin de ses vignes. Puis l’entretien commençait. Décevant ? Sans doute. Mais ne s’attendait-il pas, lors du départ du brèche-dent, à éprouver dès son retour l’angoisse et l’espèce de fureur qui, maintenant, lui tordaient les entrailles ?
    – C’est non. Je m’y attendais… Et il t’a dit pourquoi… Il m’en veut de l’avoir lâché…
    « Peut-être, songea-t-il, pour la première fois, s’est- il douté de ce qui s’est passé entre Aliénor et moi. » Lors de ces six ans de séparation, il avait souvent imaginé la vie nouvelle et les propos de son père. Il l’avait entendu maugréer contre lui en marchant lentement dans la pénombre du tinel, les mains au dos, vêtu de son surcot de lin grenat, ses heuses de daim grinçant en touchant l’échiquier des dalles rarement jonchées de paille. De l’automne au printemps, sans trêve, un feu de sarments rutilait dans une encoignure, entretenu par Marguerite, l’épouse d’Edmond Barthès, le palefrenier-veneur-écuyer du baron. « Il marchait, j’en suis, sûr, et Tiercelet le regardait. » À elle seule, tandis que son esprit la cernait mieux encore que s’il y avait assisté, cette scène acquérait un pouvoir pétrifiant, un mystère qui le faisait frissonner plus que la froidure nocturne. Tiercelet lui apportait un Non pour toute réponse. Un Non parce qu’il avait quitté le château en reprochant à Thoumelin d’avoir trahi sa défunte femme au profit d’une… L’avait-il proféré, ce mot affreux ? Bien sûr. Parce qu’il le pensait et le pensait encore. Et voilà que par un messager au visage dur – il fallait en convenir ! – il avait eu l’audace de se rappeler au souvenir des êtres de Castelreng pour obtenir leur aide.
    – Il a dû crier à

Weitere Kostenlose Bücher