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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’infamie.
    – Non… Ton père m’a fort bien reçu en son tinel. Sa jeune épouse était présente… Belle, douce, avenante… Savais-tu… Non : tu ne pouvais pas savoir qu’ils ont un enfant… Un gars.
    – Hein ? souffla Tristan.
    Ce retour, déjà, s’accompagnait d’une déplaisance. Mieux encore : d’une stupéfaction. S’il avait cru Thoumelin de Castelreng capable de forniquer, il n’avait jamais pensé qu’il pouvait procréer. Certes, il n’était pas un vieillard. Une existence énergique et sobre avait préservé sa virilité. En tant que fils d’abord, puis en tant qu’homme, il avait toujours admiré la force agile de son père, cette sorte de jouvence qui lui chauffait le sang et passait dans sa voix, dans ses rires et jusque dans ses mains qui savaient manier la cognée aussi parfaitement que la hache de guerre. Comment s’étonner qu’il eût fait un fils à Aliénor ?
    –  Un garçon, dit-il d’un ton qu’il trouva trop placide. Quel est son nom ?
    – Olivier. Il a dans les six-sept ans. Il jouait sur un cheval de bois quand je suis entré dans la cour. Un cheval bleu houssé de rouge.
    – Ce cheval était mien.
    – Il est blond cet enfant…
    – Un demi-frère… Cela te déplaît ? demanda Oriabel.
    Tristan n’osa la regarder. « Non », mentit-il de la tête.
    Depuis le remariage de son père, il avait cru pouvoir effacer la demeure ancestrale de son esprit. Sans y parvenir. Il se disait qu’Aliénor étant, elle aussi, maîtresse du châtelet et des terres à l’entour, il n’aurait pas l’audace immonde de l’en chasser si son père décédait. D’ailleurs, comment eût-il pu être informé de cette mort ?… Thoumelin vivait, Dieu merci ! et rien n’avait subi la moindre corrosion dans sa mémoire : il avait suffi que Tierce let fût allé là-bas pour que les images ternies, les joies et les peines prétendument effacées eussent repris leurs contours et leurs couleurs, leurs qualités, leur goût amer comme les vrilles de la vigne.
    Tiercelet roula son chaperon en boule et s’en débarbouilla :
    – Je lui ai dit dans quelles conditions tu lui avais écrit pour qu’il sache bien que ta sécheresse était involontaire. Je lui ai raconté que tu étais venu à Auxerre dans la petite armée de Tancarville, dont j’étais, et que nous revenions à Paris quand les routiers nous ont assaillis. J’ai ajouté que tu ne t’abusais guère sur les conséquences de ton message, non pas parce que tu pensais que lui, Thoumelin, ne t’aimait pas malgré un différend dont j’ignorais tout, mais parce que tu connaissais l’état de sa fortune… Il s’est mis à marcher du seuil du tinel à la cheminée, les mains au dos… Son épouse, qui cousait, je crois, une chemise, levait parfois les yeux de son aiguille, puis me regardait, l’air plaintif…
    – Viens-en au fait, compère.
    – On dirait que tu ne l’aimes pas, releva Oriabel.
    – Je n’ai ni à l’aimer ni à la détester. Dans ma vie, elle n’a fait que paraître et passer…
    Aussi juste qu’eût été cette formule, Oriabel parut douter d’une indifférence pareille. Et Tiercelet ? Il aplatissait son chaperon. Pour passer le temps lors de sa chevauchée de la Langue d’Oc à Brignais, il avait dû jeter au crible tout ce qu’il avait vu, appris et supposé des Castelreng. Il en subsistait quelque chose. Mais quoi ?
    – Elle a dit : « Thoumelin, il vous faut aider Tristan. » Elle parlait fermement et – comment dire ? – avec bonté… Ou plutôt, une insistance douce. Et crois-moi : le cœur y était !
    Aliénor avait plu au brèche-dent. Hormis une ambition qui n’était, après tout, qu’un moyen de s’assurer une vie convenable, ne l’avait-il pas trouvée, lui, Tristan, au commencement de leurs « amours », belle et irréprochable ? Il soupira et, dérobant son regard à Tiercelet :
    – Soit, le cœur y était… Comment en douterais-je ?
    – Ton père lui a dit : « Tu sais bien que je n’ai que ma suffisance. Cent écus d’or, soit. Deux cents ? C’est impossible… Alors, comment en réunir un millier ?… Et tels sont ces gens qu’ils ne se contenteront pas d’erres (253) aussi minces que cent écus, assortis de promesses de paiements futurs ! » Elle a répondu : « Ne pouvez-vous demander de l’aide à l’entour ?…
    Vous avez des amis nombreux… » Car elle lui dit vous et c’est tout juste si elle ne lui dit

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