Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
pardonne… Ils ont même cramé le grand Christ de bois et Notre-Dame…
    – Vous allez voir qu’il va verser des larmes ! ricana Bagerant. Holà ! Le Brugeois, mène-les à la sacristie.
    Angilbert courba l’échine ; Oriabel le suivit au bras de Tristan.
    – Non, Tiercelet, dit Bagerant dans leur dos. Demeure avec moi… Ne crains rien : il n’y a qu’un harnois de guerre et des gipons et une gonne 69 de femme derrière ce petit huis épargné jusqu’ici par les flammes.
    Tristan croisa le regard apeuré de sa fiancée :
    – Obéissons, dit-il à voix basse, ou il nous mésarrivera 70 .
     
    ***
     
    –  Tu es belle, m’amie.
    Deux larmes roulèrent sur les joues d’Oriabel.
    – Je n’aurais pas voulu m’habiller ainsi. Ce vêtement a sûrement appartenu…
    Elle s’interrompit. Tristan la berça, les lèvres dans ses cheveux.
    – Je te comprends, dit-il doucement. Et je mesure aussi la bonne chance que nous avons eue de vivre au donjon, loin de tout… Bien que tu puisses m’accuser justement de couardise, je voudrais oublier ces femmes… On dirait, ajouta-t-il en s’éloignant un peu, que cette robe fut faite pour toi…
    Elle avait été taillée dans du velours ciselé, dit de Gênes, d’un vert sombre. Ses pans, à fleur de terre, étaient enjolivés de guipures des Flandres, couleur d’or, et le col adorné d’écureuil de Calabre. À chaque manche, ridée as las (257) , maintenue entrouverte par des aiguillettes de fil d’archal, pendaient quatre ferrets d’argent gros comme des cerises. Un frontal formé d’un galon d’or et de pierreries accusait la pâleur d’Oriabel. Une crépine de soie dorée retenait ses cheveux dont elle avait roulé les tresses en templières (258) .
    – Me voilà cointe de la tête aux pieds, fit-elle en dégageant du vêtement un fin soulier de basane. Toi, tu ressembles à saint Michel…
    – Je n’en ai que l’épée, dit-il avec un enjouement qui lui parut trop affecté, mais cette armure est seyante et légère. Je jurerais qu’elle vient de Milan.
    Dedans, il se sentait à l’aise : les spallières et les cubitières, bien ajustées à ses épaules et à ses coudes, lui permettaient tous les mouvements capables d’assurer sa défense, et ses cuissots et genouillères ne pouvaient entraver la marche et la course. La cuirasse, ample, ne comprimait pas son torse, et par bonne chance, les solerets n’étaient prolongés d’aucune poulaine. Un grand bassinet à bec de passereau complétait ce blanc harnois.
    Il s’éloigna de deux pas d’Oriabel et l’admira derechef :
    – Si c’est à l’infâme Naudon que tu dois ces merveilles, on peut dire qu’il a un coup d’œil magique… C’est à en devenir jaloux !
    Il l’aimait plus encore dans cette robe qui rendait justice à sa poitrine et à ses flancs bellement incurvés, soulignés par une ceinture de cuir sans ornement d’aucune sorte. Belle d’une beauté divine et redoutable : tous les compagnons de Bagerant ne pourraient être que séduits.
     
    –  Nous devrons nous méfier de moult convoiteux…
    Il ne put achever car la porte s’ouvrait sans qu’on y eût toqué. Bagerant entra et siffla :
    – Une princesse est née à Brignais ce jeudi !
    Ce merveillement pour Oriabel le tourmentait. Il avait eu l’inconséquence de ne pas se l’approprier. Son regard l’enveloppait, la dénudait, la pénétrait. Il avait tout vu, tout éprouvé, mais il sentait qu’il était étourdiment passé à proximité de quelque chose. Il n’y voulut sans doute plus penser :
    – Je vois que cette armure te convient et te la donne. Elle ne m’a rien coûté, tu t’en doutes. Celui qui la portait a péri de ma main.
    Tristan ne sut que dire. Dehors, il y avait, tout ensemble, des clapotements de fers sur les pavés et des bruissements de semelles. « Ils viennent ! Qu’allons-nous devoir endurer ? » Il passa son bras chargé de fer sur l’épaule d’Oriabel, sachant qu’il irritait Bagerant dont il outrageait la concupiscence.
    – Sortons… La chapelle et la cour commencent à s’emplir. Je conduirai la mariée à l’autel… après que nous aurons fait un petit tour parmi les hommes !… Cette sublimité se doit d’être admirée.
    Il fallait se résigner. Oriabel posa sa dextre sur l’avant-bras de Bagerant qui ne put s’empêcher d’exhaler un soupir :
    – Quel beau mariage nous aurions dû faire !
    Tristan se contraignit au silence tout en

Weitere Kostenlose Bücher