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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’impatientait. Sous les hautes voûtes claires, ciel de pierre que les malandrins n’avaient pu profaner ou détruire, le mécontentement devenait pareil au grondement lointain d’un orage.
    – Finis-en, coquin ! hurla Thillebort, qu’on puisse admirer autre chose que la croupe de la mariée.
    « Maintenant, songea Tristan, cinquante ou soixante paires d’yeux sont dessus ! »
    –  Tu me diras, mon fils, que je galope, se plaignit Angilbert, mais il ne fallut qu’un jour pour que Bernard de Narbonne épouse la fille du duc de Brubant ; pour que Garin, chassé par son père de cette même Narbonne, épouse à Anseune, qu’il avait délivrée des Sarrasins ; la fille du duc de Naimes, Eustache à la tête blonde… Et je n’en finirais pas : Aelis et Garin, Béatrix et Bègue de Belin…
    – Il suffit ! commanda Naudon de Bagerant ! Passe-leur les anneaux, bénis-les et quittons ces lieux !
    Le presbytérien se courrouça ; ses yeux éraillés défièrent l’importun :
    –  Merdaille !… Laisse-moi officier, païen, ribaud qui n’as jamais rien su de l’amour !
    Un silence où grumelaient quelques rires s’étendit sur l’assistance, et un homme éternua au moment où Angilbert, poussant l’anneau sur l’annulaire de l’époux, mâchonnait quelques mots et concluait :
    –… jusqu’à ce que la mort vous sépare.
    Tristan regarda la main du moine qui traçait dans l’air empuanti par la présence des hommes et des chevaux, une croix légère et comme indifférente. Elle était d’un jaune blanchâtre, tavelée de taches brunes, striée de veines bleues, saillantes comme des cordelettes, cornée d’ongles longs et noirs. Et molle… C’était cette main-là qui les unissait, Oriabel et lui ! – Joignez, mes enfants, vos dextres l’une sur l’autre… Celle de l’épousée en bas, en signe de soumission… À tout jamais, dans la foi de Dieu et dans la mienne… Répète un peu ça, Oriabel…
    Oriabel obéit d’une voix basse, apeurée.
    –… saine ou malade je promets de la garder… Répète un peu ça, Tristan !
    Tristan obtempéra sans foi, en se hâtant. Le signe de croix lui avait suffi pour qu’il tînt ce mariage pour valable.
    – Que le Créateur et le Conservateur du genre humain, que le Donneur de la grâce et de l’éternel salut fasse descendre Sa bénédiction sur ces enfants !
    Tristan se tourna vers son épouse, et tout en éprouvant du regret pour la rudesse d’une cérémonie qui n’en était pas moins un mariage, il se dit que vraiment il aimait Oriabel et méprisait le clerc qui les avait unis.
    – Viens, dit-il en ceignant d’un bras la taille de la jouvencelle.
    Ils firent face aux malandrins qui les ovationnaient. Seul Nadaillac restait froid, immobile, pareil à la mort dévisageant ses proies. Bagerant souriait : ce mariage était son œuvre.
    – Vilains tuffes ! Bomules ! Fils de porcs, marmonna Tiercelet.
    Pour certifier à tous que la cérémonie était aussi valide qu’une autre, malgré ce Christ martyr pour la seconde fois et devant cet autel branlant au corporal douteux, cette patène et cet ostensoir crasseux, vides d’hosties, tous robés dans des églises qui peut-être n’existaient plus, Tristan baisa sa femme sur les lèvres.
    – Comme ils s’aiment ! ricana Thillebort.
    Et son œil vivant, à la sclérotique tachée de rouge, cillait ainsi que celui de son cheval, borgne comme lui, et qui encensait, de sorte qu’il semblait approuver cette admiration redoutable.
    Bagerant s’approcha, morose :
    – Vous devez me savoir bon gré, j’espère, d’avoir apprêté ces choses-là rondement.
    Courtoisement incliné devant l’épousée, il en saisit la dextre réticente dont il baisa brièvement, par deux fois, le revers, avec une ferveur dont Tristan, flairant la provocation, se demanda si elle était fausse ou sincère. Sitôt que le routier les eut quittés, Oriabel frotta sa main contre le velours de sa robe.
    – Pouah ! fit-elle imperceptiblement.
    – Le festin de noces sera un repas de tous les jours, dit Aymery en mettant pied au sol. Simplement, eu égard à la beauté de notre nouvelle compagne, nous en exclurons les femmes.
    Il était, lui aussi, en armure. Il avait conservé son bassinet en tête, une lourde coupole à bretèche (260) orfévrée qui, quelques mois ou quelques années plus tôt, avait dû coiffer un seigneur de haut rang. Il souriait simplement à Oriabel dont il baisa la

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