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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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senestre, comme s’il répugnait à poser ses lèvres là où Bagerant venait d’appuyer les siennes.
    –  Je vous ai fait céans apprêter une chambre par nos concubines…
    Concubines ! Par ce mot même, il avilissait aussi les captives !
    – Je serai avec Angilbert quand il ira bénir votre lit nuptial…
    « Ce démon veut nous effrayer, se dit Tristan. Et susciter les ébaudissements de ses pairs ! »
    –  Quand tu seras parti dans les pas du moine, gloussa Thillebort, elle n’aura plus scrupule à quitter ses affiquets pour se mouvoir, devant lui, aussi nue que notre mère à tous : Lilith, comme dit Angilbert !
    – Elle murmurera : « Mon petit baron, mon seigneur adoré », hoqueta le Bourg de Monsac. Nous, c’est ce qu’on exige de nos femmes.
    – Mon gros vit ! hurla Héliot, invisible.
    – Aime-la tant que tu voudras, dit Espiote. N’oublie pas que si l’amour durcit son homme, il finit toujours par l’amollir. C’est à ce moment-là que je te la prendrai !
    Les males gens tournèrent bride et trottèrent jusqu’au seuil du saint lieu, acclamés par les piétons peu enclins à refluer dans la cour. Angilbert leva son regard vers le Christ, se signa et s’enfonça dans la cohue à grands coups de coude. Bagerant le rejoi gnit et parut l’admonester. Tiercelet, souriant, baisa Oriabel au front et, à l’intention de Tristan, plia et replia sa dextre par deux fois :
    – Dix jours… Cela paraît mince et c’est… énorme. Si tu l’aimes autant que tu le prétends, contrains-toi à n’offenser personne !
    La main retomba et l’ancien mailleur, sa longue épée sur l’épaule, ouvrit la voie aux mariés comme un massier lors d’une procession. Dans la cour, toujours juchés sur leurs roncins, les chefs répartis en deux-haies formèrent au-dessus du couple une voûte de leurs lames tandis que des «  Noël ! Noël ! » jaillissaient desi gorges de la piétaille.
    – Vont-ils nous laisser seuls ? demanda Oriabel.
    – J’en doute, dit Tiercelet. Bientôt, nous allons margouiller (261) à leurs frais : un festin où nous devrons ouvrir l’œil plus que la bouche !
    Devant, après avoir franchi le pont sur le Garon, les piétons s’éparpillaient, les uns marchant en direction du Janicu et du Bonnet, les autres allant vers le Mont-Rond et le Bois-Goyet, harcelés de la voix et du geste par leurs capitaines, eux-mêmes stimulés par Espiote, Bertuchin, Hazenorgue. Si Tristan se souvenait de la plupart des noms et des visages, les caractères de ces bourreaux demeuraient autant d’énigmes qu’il rechignait, d’ailleurs, à démêler.
    – Nous nous sentions plus en sûreté là-haut, dit-il en désignant vivement le donjon. Nous ne pensions ni aux hommes ni à leurs visages… et rarement à leurs pratiques…
    Coiffé d’une barbute, le torse couvert d’un haubergeon de grosses mailles treslies, et sans autre arme qu’un bâtardeau serré sur le devant de sa ceinture, Jean Doublet s’approcha des mariés :
    – Soyez heureux dans ce petit enfer dont je vous souhaite de sortir tout comme je ne cesse de me le souhaiter !
    Et il s’éloigna en hâte, seul, sans doute vers le Mont-Rond. Tiercelet qui le regardait filer à grands pas, comme s’il était menacé lui aussi, commenta sans presque remuer les lèvres :
    – Il n’est pas un routier de cœur. Au besoin, il nous aidera.
    Sous le porche ombreux, Bagerant et Thillebort, tous deux à cheval, se concertaient. Ils se séparèrent et Bagerant, au petit trot, s’approcha de Tristan.
    – Eh, Tiercelet, où vas-tu ?… Tu recules en entraînant la mariée ? Lui fais-je si peur que cela ?
    Le brèche-dent ne répondant pas, le routier redevint froid, comme fortifié de mépris ou de haine :
    – Inutile de remonter dans ta chambre, Castelreng. Vous pouvez tous les trois contourner le château tant qu’il vous plaira, sans vous en écarter. On vous appellera pour prendre place à table… Et voyez : on veillera sur vous comme sur mille écus d’or !
    Des archers et des arbalétriers semblaient jouer à cache-cache derrière les merlons des tours et des courtines.
    – Les meilleurs, Castelreng… Quand un traître s’enfuit et qu’ils ne le percent pas à mort, c’est eux qui sont percés… Crois-moi : cela les incite à l’habileté ainsi qu’à la vigilance… Qu’en penses-tu ?
    – Si je te disais ma pensée, tu t’en offenserais.
    – Oh ! Oh ! Tu as changé,

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