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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’on meurtrisse Navarre. Ils ont pourtant été longtemps d’accord pour occire le roi Jean !
    Bagerant se tourna de côté :
    – Savais-tu cela, Castelreng ?
    – C’est de l’histoire ancienne.
    – Il s’en sera fallu de peu pour que le royaume ait bientôt un suzerain parricide !
    – Certes, acquiesça Tristan. Sache cependant que l’indignation d’un homicide à tous crins comme toi, Naudon, me lève le cœur. Demeure dans l’impénitence et ferme ton caquet.
    – Ce que je vous dirai, moi, mes frères, grommela Thillebort, penché, c’est que si Charles de Navarre et l’Archiprêtre ont été reçus à la Cour, y a pas de raison qu’on en soit écartés puisqu’on est de la même famille.
    Il y eut un remous parmi les convives et une clameur d’approbation. Le vin coulait d’abondance. Çà et là des rires jaillissaient sans raison apparente. Jean Doublet, dans ce concert d’ivrognes, semblait le seul qui fut sobre et incommodé. La so ciété de ses voisins, ennemis de l’honnêteté, esclaves de leur bestialité, bravant les lois et les prisons, commençait à lui devenir odieuse. Qui était-il vraiment ? Avait-il le désir de fuir, lui aussi ?
    – Bois, Castelreng, dit Bagerant. Et toi aussi, la belle.
    Boire. Cette injonction épouvantait Oriabel, moins, toutefois, que l’éclair du regard qui l’avait effleurée. Une œillade de Tiercelet lui signifia : « Il est jaloux. Prends garde. » Tristan trouva ce conseil superflu.
    – Oui, on vaut aussi bien que les rois ! tonna Thil lebort sur un ton à la fois sordide et puéril. Oui, oui, Castelreng, notre règne est proche… Tu peux t’ébaudir, mais c’est vrai.
    Quelque chose fermentait dans les ténèbres de ce crâne. Plus ce fesse-pinte buvait, plus sa forcennerie croissait ; plus elle croissait, plus il frappait du poing sur la table avec le plaisir évident de voir tressauter son écuelle dont la sauce éclaboussait sa main.
    – T’as l’air d’avoir peur, Castelreng. On n’est pourtant pas au banquet de Rouen, même si Navarre et le régent auraient mes-huy 75 leur place parmi nous !
    Un hoquet secoua le borgne. Il parut hors d’haleine, vida son hanap, crachota et reprit d’une voix tout à coup geignarde :
    – Sont comme nous… Ils ont voulu bazir le roi Jean 76 … T’es mieux parmi nous qu’à Rouen… Au moins, on te tranchera pas la tête en guise d’entremets… Mais tu verras bientôt ce qu’on peut te couper.
    – Tais-toi ! hurla Bagerant. Faut qu’il soit ébaubi tout autant que sa dame.
    Et tourné vers le marié :
    – Thillebort te hait, Sang-Bouillant. Tu l’as avili. Tu es maintenant pour lui pareil à la viande de veau : tu lui restes entre les dents.
    « Que trament-ils ? » se demanda Tristan. Il levait son hanap quand retentirent des vrombissements de tambours. La main d’Oriabel s’inséra, tremblante, dans la sienne.
    – Qu’est-ce donc que cela ? dit-il à Bagerant.
    – Le premier entremets. Il faut bien rire un brin… Allons ! Pourquoi parais-tu donc amer et contristé ? Ce ne sont que des bateleuses…

XI
     
     
     
    D’un coup d’œil Tristan sut que c’étaient des ribaudes. Il en compta seize, toutes jeunes, ennuagées d’étoffes couleur d’or et d’argent, de pourpre et de sinople, ravies dans les cités et les châteaux conquis. Pieds nus, douze dansaient ; deux autres soufflaient dans un chalumeau ; les deux dernières tapotaient la peau d’une tarole (270) coincée entre leur bras et leur aisselle. Sautant ou dodinant entre deux pirouettes, les danseuses se groupèrent au centre du carré formé par les tables, et les convives de l’intérieur firent volte-face sur leur banc ou leur escabelle, tournant ainsi le dos à la mangeaille et à leurs interlocuteurs. Sans cesser de jouer, les musiciennes allèrent se jucher sur la table où Héliot tranchait ses venaisons, ses gigots et ses éclanches de mouton. Une tambourinaire en repoussa quelques-uns de son pied gainé de basane poudreuse.
    Ce qui ébahit les mariés, Tiercelet et, sans doute, certains proches d’Aymery et de Garcie du Châtel, fut l’aumônière que chaque jongleuse portait accrochée à la cordelière liée à sa taille. Allaient-elles, une fois l’entre-mets terminé, ouvrir toutes ces bourses et jeter sur l’assemblée des pièces de monnaie ou des dragées ?
    Devaient-elles, au contraire, collecter des écus pour leurs maquerelles ? Elles offraient aux

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