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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aux brunes. Oui, elles étaient bien de la même famille, et cette communauté de mouvements, de cabrades, de tressaillements et de bonds achevés en chutes languissantes, célébrait leur parenté dans le vice où elles avaient été précipitées.
    Tristan les plaignit. Oriabel aurait pu choir dans cette débauche. Elle ne les regardait point ; quant à lui, si attrayantes et amènes que fussent certaines, au dire des commensaux éber lués, son œil s’en était rassasié avant même qu’à la crudité des sauts et sursauts du début eût succédé cette langueur perverse. Car plus les mouvements devenaient lents, plus l’outrecuidance de ces filles follieuses devenait, pour lui, insupportable. Scrutant une fois de plus l’escarcelle de velin gris accrochée au flanc de la blonde à queue-de-cheval, comment eût-il pu douter encore que la fine peau de veau s’imprégnait de sang.
    « Elles ne sont pas venues seulement pour danser ! »
    Frappés maintenant du poing, les taroles roulaient en torrents, et les pas et mouvements de la cordace reprenaient vigueur ; les bras mouvants comme des herbes sous le vent recouvraient leur violence première. Une brune en robe pourpre s’approcha et fit un tel enjambement qu’on entrevit un peu de rose dans la ténèbre, sous son nombril.
    Tristan, troublé, se détourna vers Oriabel dont la main avait frémi dans la sienne.
    – J’ai peur, Tristan… Tout cela finira mal…
    Cette peur inaltérée, comment eussent-ils pu s’en guérir ? Elle ajoutait aux tristesses d’une danse qui se voulait lascive, mais la lascivité n’avait que faire du vulgaire, et ces femmes infatigables en simulacres d ’amour commençaient bel et bien à subir les effets d’une lassitude à laquelle contribuaient les injonctions des flûtes et des tambours. Les fréquentes roucoulades des premières les précipitaient devant les privilégiés de l’intérieur – et certains voulaient les happer de leurs mains ; les ronflements des seconds les déportaient au centre de la salle où elles toupinaient, révélant leurs chairs moutonnées de velours sombre avec d’autant plus d’audace qu’on ne les pouvait atteindre.
    – Cela te plaît ?… Mes femmes m’attendant au Mont-Rond, mais j’ai envie de passer la nuit avec la brune, là-bas… L’émeraude… N’est-elle pas à ton goût ?
    – Une seule me plaît, Bagerant : la mienne.
    Le routier ne quittait pas des yeux la fille-proie. Dans ses prunelles flottaient des appétits ou des exigences terribles. Sa voix s’affina :
    – Et si je te disais… si je te commandais : « Besogne-la maintenant » ?
    – Je te répondrais non.
    _ Et si je te disais : « Besogne alors ton épouse » ?
    – Je te répondrais non.
    – Pourquoi ?… Ta pudeur en souffrirait, certes… Pourquoi ?
    – Tu connais tout de la haine, Naudon. Rien de l’amour… Ton châtiment serait qu’un jour tu t’éprennes encore d’une femme et qu’elle n’ait que répulsion pour toi… Oh ! Je sais bien que tu parviendrais à tes fins… Mais son regard, pendant que tu t’échinerais sur elle, son regard pour toujours deviendrait ton enfer.
    – Sais-tu que tu m’éreintes avec tes beaux discours ?… Tu nous juges de haut ainsi que Dieu le Père, mais si tu acceptais de vivre sans contrainte, tu respirerais mieux, tu verrais mieux le bleu du ciel et des rivières… Regarde le Bâtard de Breteuil… Grosse face rouge… Il n’est pas encore tout à fait des nôtres, et pourtant, il approuve tout ce que nous faisons… Je ne sais ce qui sommeille en lui… Le mal, certes, mais aussi une ambition terrible… Aymery ?… Nous lui savons bon gré de nous avoir fait jeter nos arbalètes au profit de l’arc… Il provoque des jeux avec des récompenses : douze flèches dans le bersail 77  : une ribaude offerte par la compagnie ; six dans la mouche : une de nos hôtesses, mais pour un coup seulement afin de ne pas l’abîmer… Décidément, j’ai moult envie de cette brune. Sa chair est couleur de châtaigne !
    –  Bêlo ës la castâgno, dëdin ës la magâgno.
    –  Qu’est-ce que tu dis dans ton patois ?
    – Que ta châtaigne est peut-être belle, mais qu’elle soutient un ver.
    Soudain, la voix de Bagerant changea et devint dédaigneuse :
    –  Regarde Jean Doublet !… Lui m’est suspect… C’est sans plaisir qu’il nous compagne. Il ne se commet ni avec les putes, ni avec les captives, ni avec des

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