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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’épaule et la contraignit à reculer, ce qu’elle fit de mauvais gré tout en défroissant les plis de sa robe noire – celle qu’elle portait sans doute avant de tomber dans les griffes d’Héliot.
    Tristan offrit sa dextre à Oriabel.
    – Je vais bien. Je serai debout maintenant si tu m’apportes mes vêtements… Parfois, j’ai ouvert un œil, mais j’étais si bien… J’aimerais pouvoir avaler un gros repas… Ne manquez-vous de rien ?
    Oriabel eut un geste las. Il s’émut de sa pâleur. Elle sourit :
    – Nous pouvons sortir pour aller… aux latrines. On nous porte, comme dans la chambre au-dessus – celle où nous étions – l’eau, le vin et la nourriture. Bagerant est parfois venu. Il nous a proposé d’errer dans le château et ses cours… Ils ont enterré Héliot avec les égards dus à un prince… Thillebort pleurait. Tiercelet, qui les a vus passer sous ces murs, nous l’a dit… Il a appris que l’armée royale, moult grosse, chemine vers Brignais.
    – Qu’il vienne à mon chevet. Je veux en savoir plus… Il ne t’a peut-être pas tout dit… Hé, Tiercelet !… Approche.
    Il vint, une main posée, protectrice, sur l’épaule d’Oriabel, comme si la jouvencelle souffrait aussi. Mais de quoi ?
    Tristan respira si profondément que son souffle aviva la braise incrustée dans son épaule. Il se composa un visage aussi net et immobile que possible. Quand la douleur devint cendre – ou presque –, il sourit :
    – Dis-nous ce que tu sais, Tiercelet, sur l’ost du roi et les routiers. Si cette Mathilde vient vers nous, éloigne-la. Tout ceci est notre affaire. Bien sûr, c’est notre devoir de l’emmener… Cesse de bouder, ma douce ! Je n’en suis et n’en serai jamais amouré.
    Il surprit entre son épouse et le brèche-dent un regard de connivence après lequel Tiercelet se frotta la face comme pour y effacer les marques d’un souci dont il se pouvait qu’Oriabel fut cause.
    – Elle te l’a dit : l’armée royale sera devant Brignais avant le 10, de sorte que notre dessein est le premier mort d’une bataille qui n’a pas encore eu lieu !… Bagerant est tellement sûr qu’elle adviendra cette semaine qu’il m’a demandé, ce matin, d’aller déterrer les cinq cents écus de Givors, preuve qu’il croyait à mes sornettes. J’ai refusé, disant que nous irions là-bas après la victoire… si nous étions toujours vivants. Il m’a appris que la nuit de mon retour, le Petit-Meschin était parti pour Sauges afin d’amener les hommes de Pacimbourg…
    – C’est cette cavalerie qui faisait tant de frainte 90  !
    – J’avais bien reconnu le Meschin, chevauchant le dernier, portant son blanc tabard et sa guisarme ! S’il revient à temps à la rescousse, avec les deux ou trois mille hommes qu’Audrehem a laissés sortir de Sauges avec leurs armes et leur butin dans lequel, peut-être, il a prélevé sa part, Aymery disposera d’au moins quinze mille hommes… D’après ce qu’affirme Bagerant, les Justes ne sont que douze mille.
    –  Qu’allons-nous devenir si la bataille est pour demain, après-demain…
    D’un regard, Tiercelet rassura Oriabel :
    – Je te l’ai déjà dit : nous fuirons. Mais laisse-moi enditter (290) ton mari.
    Et rieur, mais en se contraignant :
    – Je sais ce qu’il faut savoir. Je n’ai pourtant quitté cette chambre que rarement, en prenant soin d’en verrouiller la porte avec ça… (Il tira une clé de dessous son pourpoint) que Bagerant me confia sans mal, car il craignait une action des compagnons d’Héliot contre nous… J’ai parlé çà et là, et vais satisfaire ta curiosité.
    Tristan plia ses jambes sous les draps. Ainsi échappait-il aux œillades de dame Mathilde. Il comprenait qu’elle lui eût de l’attachement. Et même que cette reconnaissance fut devenue, au fur et à mesure des coups donnés ou reçus contre Héliot, de la passion. Il remontait d’un abîme, et elle était là, qui semblait lui dire : « Je t’attendais… Ce n’est pas fini entre nous. » Fût-elle apparue à ses regards avant Oriabel, eh bien, il se serait laissé tenter par ces appels : elle était belle, captivante ; capable de répondre aux plus folles exigences des sens. Mais il aimait Oriabel… En fait, dame Mathilde lui donnait un malaise… Mainte nant, il ne voyait plus que le haut de ses cheveux ténébreux… Mais elle approchait : son front apparaissait. Elle devait avoir un air tout à

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