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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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la fois misérable et orgueilleux, comme lors de la présentation du plateau immonde. Misérable dans son esprit, orgueilleux dans cette chair qu’elle savait belle et qu’elle avait dû montrer, défendre. Quelque chose, en plus, d’affamé ou d’inassouvi…
    Il se tourna vers Tiercelet, sourcils froncés, mécon tent, mais de quoi ? De la présence de dame Mathilde ou de ce qu’il annonçait :
    – Tancarville mènera une armée où sont rassemblés tous les prud’hommes de Bourgogne, Champagne, Senonais, Auxerrois, Nivernais… Jacques de Bourbon disposera de la Chevalerie et de l’écuyerie d’Auvergne, Limousin, Provence, Savoie, Dauphiné de Vienne, ainsi que de milliers de soudoyers fort adurés aux armes… L’Archiprêtre sera présent avec ses mercenaires…
    – Il n’est pas un parfait allié. Le comte de la Marche s’en mordra les doigts.
    « Pourquoi cette Mathilde a-t-elle fait un grand pas ? se demanda Tristan. Connaît-elle Arnaud de Cervole ? »
    Non… Il se faisait des idées. Il était, cependant, de plus en plus lucide.
    – Il paraît que Bourbon a évincé Tancarville au commandement.
    – Voilà, Tiercelet, qui ne me surprend guère. Bourbon est un outrecuidant. Il ne suit aucun conseil… Tancarville lui faisait de l’ombre… Et c’est pourquoi, s’ils croient vaincre aisément les Compagnies, je crains qu’ils n’éprouvent des déconvenues.
    – Il nous faut fuir avant que Bagerant nous fasse conduire au Mont-Rond, tellement ce château peut-être conquis aisément.
    Tiercelet pinça les lèvres dans une expression moins dubitative que volontaire :
    – Les chiens de la royauté approchent, mais nul ne sait encore où la grosse meute apparaîtra… Quelques coureurs ont été vus à Saint-Genis…
    – Ils sont fous à lier s’ils s’en viennent par là : il doit y avoir des malandrins tout en haut et tout le long des Barolles !
    –  Tu dis juste : il y a des frondeurs, des archers… Un conseil : si Bagerant vient te voir, feins d’être toujours grandement hodé (291) . Nous devons demeurer céans pour fuir cette nuit.
    – Hein ?
    – Tous les quatre. Nous ne pouvons abandonner dame Mathilde. Ils se vengeraient de leur déception sur elle.
    Tiercelet se pencha. Les veines de son cou se gonflèrent avec force :
    – J’ai erré dans ce châtelet, offrant aux vegilles (292) le vin que Bagerant nous fait porter… Quelques-uns me connaissent… Un jour, prétextant que j’avais la courante et que je lâcherais tout dans mes chausses s’il me fallait monter aux latrines, j’ai découvert une cave contenant des futailles et un pressoir pourris qui n’ont pas excité l’intérêt de nos compères… Et sais-tu ce que j’ai trouvé derrière ?… Une poterne en mauvais état dont le vantail, côté fossé, doit être caché sous des ronces et des fougères. Plus bas, il y a le Garon qui n’a rien d’une grande rivière et peut se franchir aisément… Me suis-tu ?
    – Depuis que je te connais, je passe mon temps à cela !
    Tristan s’enfiévrait d’espérance. Un sang brûlant circulait dans ses veines. Fuir ! Ils pourraient peut-être fuir… Déjà il respirait un air de liberté. Une sueur qui n’était pas, pour une fois, désagréable, coulait à grosses gouttes sur sa chair. Il regarda tendrement Oriabel et tandis qu’il lui souriait pour lui donner courage et confiance, il vit ses yeux s’emperler. Bientôt, c’en serait fini des jours ténébreux et sanglants ; des nuits redoutables et angoissées. Tiercelet émit un rire fin et pointu : une aiguille de gaieté plantée dans le silence de la chambre.
    – Je suis revenu là-bas à deux reprises. Avec le gras qui restait dans nos écuelles, j’ai frotté gonds et verrous… Et cette porte, je l’ai ouverte !
    – Que ferons-nous une fois sortis ?
    Tristan se voyait déjà, la main d’Oriabel dans la sienne, fuyant Brignais, ses démons et ses miasmes. Pourvu que cet événement eût lieu ! Et que cette nuit du 4 au 5 avril, si proche et pourtant si lointaine, fût sans lune et noire comme le cul d’un chaudron !
    – Cette poterne s’ouvre sur le champ des ribaudes, dit Tiercelet. Hé ! Oui, elles se sont rapprochées puisqu’il y a péril.
    – Elles nous dénonceront !
    – Pas sûr… Elles craignent cette armée de gens honnêtes conduits par des clercs vénérés et pieux dont certains ne songent qu’à les chevaucher puis à les occire… Elles

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