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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ne pensent plus qu’à aider leurs hommes et s’occupent à préparer de la charpie et des bandes, et à aiguiser leurs couteaux et ciseaux…
    – Elles devineront…
    –… que nous sommes en fuite ?… Elles ont moult autres soucis !… Ces putes et leurs enfants, fils et filles, se transforment, lors des batailles, en mangoguets et hérédesses (293) . J’en ai vu trancher aussi bien que des chirurgiens non pas des vits et des couillons, mais des membres qui pendillaient. Nous contournerons de loin leurs chariots…
    – Si elles nous voient…, commença Oriabel.
    – Deux hommes et deux femmes qui s’enfuient ? Ça en réjouira quelques-unes !… Au besoin, si elles sont bienveillantes, je leur donnerai… une poignée d’écus…
    Le regard obscurci, chaud, païen, de Tiercelet, eut un flamboiement :
    – Nous n’avons pas le droit de ne pas réussir !
    Tristan l’approuva d’un clignement de paupières, puis considéra Oriabel, immobile au pied du lit, négligeant manifestement la présence de dame Mathilde. Pourquoi s’en montrait-elle à ce point si jalouse ? Son profil gelé par l’inquiétude était d’une pâleur de neige fraîche.
    – Rassure-la, Tristan, demanda Tiercelet. Elle en a moult besoin : l ’autre lui fait ombrage. Elle va te dire sûrement pourquoi…
    Il souriait, mais à peine, fraternel et charitable. Du regard, il interrogea Oriabel pour obtenir son assentiment. À propos de quoi ? Quel secret ? Quelle révélation peut-être superflue ?
    Elle acquiesçait d’un mouvement furtif de la tête quand de violents coups de poing firent vibrer l’huis de chêne dans son chambranle.
    – Merdaille, grommela le brèche-dent. C’est lui. Que nous veut-il ?
     
    ***
     
    Bagerant apparut, maussade et déterminé :
    – C’est bien, compères et commères, de ne pas vous verrouiller comme des maufaiteurs qui préparent quelque méchant coup !
    Il n’était vêtu que de noir : cuirie, hauts -de-chausses, heuses ; un camail aux anneaux brunis de saleté couvrait son front jusqu’aux sourcils. Ainsi, eût-on dit un suppôt du diable à la recherche d’une âme en peine.
    –  Tu vas mieux, Castelreng.
    Ce n’était pas une question mais une certitude. Il avait appuyé durement sur le mieux  ; une flamme dansait dans ses prunelles et, s’il était sans arme, cette lueur-là semblait celle d’une lame.
    – Fais-moi voir tes navrures… Non ! Non ! Tiercelet, demeure où tu es… Je ne vais pas l’endommager.
    Bagerant épia, le temps de deux battements de paupières, le visage du blessé, puis abaissa ses yeux profonds, insondables, sur les linges propres qu’il dénoua et déroula, refusant d’un geste la proposition d’aide d’Oriabel.
    – Son sang est si pur que je vois là de belles cicatrices qui ne l’empêchent en rien de mouvoir ces membres-là…
    Bouche close, vouant à Satan son tourmenteur, Tristan laissa le routier tâter et plier ses bras et son épaule endommagée. « Ce linfar 91 veut m’employer sans retard… Mais à quoi ?… Il n’est pas de ces gens qu’on abuse aisément… Il sourit davantage. Il me tient  ! » Il y avait, sous les façons tout à la fois abruptes et compatissantes du routier, une frénésie de curiosité qui paraissait inhabituelle ; un désir véhément de saisir, s’il existait, le dernier mystère de cet otage qui lui avait meurtri le meilleur de ses hommes. Tristan se sentit soudain plus nu qu’il ne l’était sous les draps, détaillé comme une marchandise ou une bête de foire.
    – Tu peux conserver encore quatre ou cinq jours les fils qui ont recollé cette plaie… Bien recousue… Qui t ’a fait ça, Tiercelet ou elle ?
    –  Moi, dit Oriabel, plus humble qu’il n’était nécessaire.
    Bagerant apprécia cette humilité, puis, tourné vers le gisant attentif :
    – Tu vas devoir te lever. Tu m’as ravi Héliot ; il est juste que tu le remplaces… Non, pas un mot, Tiercelet !… Quant à toi, la belle, il est ton mari même s’il me paraît difficile que vous ayez foutrassé légitimement avec ces deux témoins-là !… Pas vrai, toi, la Mathilde ?
    L’interpellée tressaillit ; une roseur afflua de ses joues à son front. Immobile, les bras croisés, la tête penchée, le dos un peu voûté, il semblait qu’elle eût très froid ou voulût s’exposer le moins possible à l’examen du routier. Elle dit d’une voix rauque et pleine de hauteur :
    – Elle dort

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