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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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encore, s’exprima presque aussi hautement qu’un chapelain en chaire :
    – Soyez sûrs que je dormirai dans mon fer, mon épée au côté. Mais, compères, croyez-vous que le Petit-Meschin sera de retour pour fournir quelques coups de lame dans cette estourmie 93  ?
    Bagerant répondit affirmativement, sans plaisir, comme quelqu’un qui consent à supporter un gêneur dans une affaire importante :
    – Il sera présent. Aymery croit en lui davantage qu’en Dieu.
    Cette saillie blasphématoire fut sans effet sur Tristan. Proche de son nez, une petite araignée noire filait sa quenouille entre deux brindilles. Tout aussi minutieusement qu’elle, des tarentules à tête d’homme tressaient, en riant, les écheveaux dans lesquels Bourbon, Tancarville et leurs guerriers viendraient s’enchevêtrer. Pouvait-il contrarier leurs intentions ? Non. Sa volonté intacte et même exacerbée se heurtait à une évidence terrible : il n’était qu’un témoin dépourvu d’importance, résigné à demeurer passif sous peine de trépasser bêtement. Tenter d’avertir Bourbon ? Comment ? Par quel miracle ? La fuite ? Impossible.
    – Arnaud, noble compain, tu nous rends la vie belle !
    Naudon de Bagerant se voyait déjà l’épée en main, pourfendant et taillant, les regards partagés entre ses compères et les Justiciers d’autant plus hargneux qu’ils sentiraient la victoire se soustraire à leur convoitise.
    – Salut, Arnaud ! s’écria le Bâtard de Monsac. N’aie crainte pour ta vie. Nous reconnaîtrons ta bannière.
    – Gardez-vous de périr, les amis. Quand tout sera fini, nous saurons bien nous retrouver et nous porter la santé lors d’un festin dont nous conserverons souvenance éternelle !
    –  Et comment ! approuva Espiote. On te portera : un los (302)  ! Tu l’auras bien mérité !
    Il n’était guère sorti du bosquet, surveillant à la fois l’otage et les chevaux. L’Archiprêtre agita sa dextre vers lui, puis, s’adressant aux deux autres :
    – Dieu vous préserve lors de cette tuerie !… Viens, Floridas. S’il nous a vus partir ou qu’on l’en a prévenu, nous dirons à Bourbon que notre curiosité, augmentée de notre dévouement à la Couronne, nous a incités à cette inspection, mais que nous nous sommes gardés de fourrer nos têtes au-delà du Bonnet !
    – Et que nous n’avons rien vu ! gloussa Floridas.
    – Si, gros bêta !… « Messire, lui dirai-je, il y a devant huit mille hommes », et je lui proposerai d’entreprendre une investigation vers Sacuny. Nous pousserons jusqu’au Mont-Rond et j’affirmerai, à mon retour, que nous avons vu quelque sept mille hommes dispersés aux Barolles, Bois-Goyet et Mont-Rond ainsi que sur le chemin de Brignais. Il doutera de cette vérité. Un de ses capitaines proposera qu’on vérifie mes dires et il enverra des coureurs… Ne laissez apparaître que deux ou trois cents de vos tuffes (303) .
    – Il sera fait selon tes vœux ! promit Espiote en reposant son arbalète.
    « Il n’a jamais cessé de m’épier ! » enragea Tristan. Puis il entendit le tambour feutré des sabots sur l’herbe, tandis que traversant à grands pas les fougères, Monsac et Bagerant, réjouis, apparaissaient.
    – Tu te doutais que c’était l’Archiprêtre, Sang-Bouillant ?
    – Je l’ai reconnu de loin.
    Le Bâtard de Monsac s’éloigna. Bagerant parut soulagé :
    – Un moment, j’ai pensé à te montrer à lui pour jouir de sa stupeur, puis je me suis dit qu’en quelques mots, tu infecterais cette rencontre. Peut-être aurais-tu même essayé de l’occire…
    Les bras croisés, bien que ce geste accrût les élancements de sa blessure, Tristan parvint à opposer à cette question informulée une indifférence tellement parfaite que Bagerant s’en offensa :
    – N’en parlons plus !… Mais qu’as-tu d’autre en tête ?
    – Mon bassinet.
    – N’essaie pas de te truffer de moi ! Qu’as-tu en tête ? Crache-le au besoin !
    – Revenons-nous à Brignais ?… Voilà ce que j’ai en tête.
    Un sourire mit une touche de clarté sur le visage du routier. Tristan pressentit qu’il allait recevoir une réponse équivoque.
    – Ce soir ?… Demain ?… Je ne sais quand nous y reviendrons.
    Il fallait accepter dans la sérénité les inconvénients d’une journée de menaces et d’incertitudes ; dissimuler à ces truands l’angoisse qui glaçait un cœur et un esprit tout emplis

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