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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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donjon.
    Il rit, emporté par une joie inepte.
    – Allons, allons, mon fils ! bougonna Angilbert.
    – Dommage que je ne puisse affronter Salbris en champ clos !… Dieu sait quel plaisir…
    – Dieu ne sait rien, mon fils, ou pas grand-chose… et suis corrompu et tu es pur… Et nous sommes pourtant dans le même ergastule, promis au même sacrifice. Cela devrait te donner à penser !… Essaie de dormir, parfois, l’on fait de beaux rêves.
    Ils ne se parlèrent plus, enfermés dans des médita-ions qui ne pouvaient être que différentes.
     
    ***
     
    Un grincement tira Tristan de son immobilité. La lueur d’un flambeau dansota dans la geôle. Se détournant, il vit que tout comme lui, Angilbert avait les yeux ouverts. Le gardien fit tinter ses clés :
    – Je vais vous extraire de votre lit… Voyez : il y a derrière moi un clerc qui peut vous confesser…
    – Inutile, dit Tristan.
    Il s’étonna que ce fut lui qui eût fourni cette réponse. Il était déjà loin des us et coutumes des « braves gens » et « honnêtes prud’hommes ». Ce dernier matin de vie charnelle lui paraissait d’une simplicité parfaite, et si – du moins pour le moment – le bûcher ne l’effrayait pas, il enrageait de devoir endurer à nouveau les coups et les insultes des manants.
    Il sentit les madriers se lever. Il put se frotter les poignets et les chevilles. Il avait la bouche pâteuse et les yeux sûrement gonflés. Angilbert, libéré, se frictionna le ventre.
    – J’ai pris froid…
    – Tu te réchaufferas, moine, dit le geôlier qui, la veille, n’avait pas hésité à le malmener.
    – Je prierai pour toi, messire des Hautes Œuvres, quand les flammes lécheront mes orteils !
    – Soyez heureux, s’ébaudit l’homme. On ne vous appliquera pas la question, ce dont je suis marri.
    – Et pourquoi ? s’étonna Guillonnet sortant de l’ombre, son bassinet à la hanche, à croire qu’il avait dormi tout fervêtu.
    – Je leur aurais fait ce qu’on m’a appris à Autun, quand j’ai commencé à exercer mon office en cette bonne ville.
    Et tourné vers les condamnés :
    – Vous auriez chaussé des bottines de cuir usé, spongieux ; mes aides vous auraient liés sur une table et versé sur les pieds moult pichets d’eau bouillante… le cuir se serait décomposé… ainsi que vos chairs et vos os… Il faut, c’est évident, une bonne journée pour y parvenir…
    – Tu vois, Tristan, dit Angilbert en se détournant, qu’il n’y a pas que les routiers pour avoir de belles idées !
    – Avancez ! commanda Guillonnet de Salbris.
    – Auparavant, nous permets-tu de pissoter un coup ?… Oui !… Messire de Salbris, vous voilà charitable. Dieu vous en tiendra compte… Viens, Tristan, et t’importe s’ils nous regardent : ils sont assujettis aux mêmes lois que nous pour ce qui est des function digestives… C’est bien la seule égalité qui existe sur cette terre !… Ah ! La la, si seulement du ciel je pouvais leur chier sur la hure !… As-tu fini ?… Bon… Ne les faisons pas attendre… D’ailleurs, plus tôt nous serons en compagnie de Dieu, plus tôt nous serons heureux… Nous bénirons Lyon et son armée, morte, de vireculs !
     
    ***
     
    L’escalier gluant, étroit, nauséabond. Les lueurs du flambeau semblaient, elles aussi, sujettes à une peur répulsive.
    « Mourir !… J’ai servi notre roi et voilà où j’en suis ! »
    Le désespoir d’Oriabel, si elle savait , serait inconsolable. Il l’aimait plus encore dans son infortune qu’il l’avait aimée dans leur pauvre bonheur. Il lui semblait que son esprit, plutôt que d’être empli d’indigna tion, s’épurait ou se tarissait de tous les sentiments tempétueux et contradictoires qui l’avaient encombrés depuis sa malaventure auxerroise. Sa haine pour Salbris s’était même assagie.
    – Prie ! lui conseilla Angilbert.
    Prier ? Non. Il avait dépassé ce qui lui paraissait un enfantillage. Dieu ne pourrait guérir son âme de la résignation inattendue qui l’engourdissait. Il ne reverrait plus Castelreng. La douce oisiveté dont il avait rêvé dans l’infernal silence des nuits de Brignais – et qu’il eût partagée avec Oriabel – n’était plus qu’une espèce de marmouserie. Il allait devoir affronter la foule et cela lui paraissait une épreuve à peine moins pénible que d’affronter la mort. Le bruit de la fête abjecte crépiterait à ses oreilles avant que

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