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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui avait percé Nadaillac :
    – Nous avons aussi notre Petit-Châtelet, comme à Paris, et dedans, des Chartres 119 à trente pieds sous terre !… Suffit d’y demeurer un jour ou deux pour y trépasser par manque d’air !… Celui qui creusa ces fosses a fait aussi, à ce qu’on prétend, celles de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés… On ne peut s’y tenir ni debout ni couché car la paille qu’on y met… quand il y en a, flotte sur l’eau qui suinte des murailles… Faut vous dire que le fleuve Rhône passe non loin de là…
    Il rit. Tristan ne se retourna pas pour voir son visage.
    Il suffisait qu’il l’imaginât. Il regardait la façade sombre, hautaine, et quelques merlons qui semblaient mordre à belles dents le ciel de suie. Une prison nouvelle allait s’ouvrir pour lui. Maison grise, trapue, flanquée d’une haute tour massive, coiffée d’un cône d’ardoise. On y entrait de plain-pied, mais ils allaient devoir passer devant une double haie de picquenaires-– bien contents eux, d’être demeurés à Lyon ! – qui semblaient habillés de mailles neuves tellement ils les avaient fourbies.
    Le guisarmier toussa, puis rit encore :
    – Vous, on vous mettra tous dans l’entonnoir, comme je l’appelle.
    – L’entonnoir ? interrogea Tristan qu’un rétrécissement de la rue obligeait à coudoyer Angilbert.
    – On appelle ainsi, mon fils, une geôle dont le sol a semblance d’une poivrière inversée… C’est une invention horrible, bien digne de gens de notre espèce, qu’en penses-tu ?
    Une piqûre de guisarme fit bondir le clerc et la voix toute proche suinta aux oreilles de Tristan :
    – On ne peut s’y dresser sur les pieds, ni s’asseoir, ni se coucher… On ne peut même pas foutre son dos sur la paroi et ap puyer ses pieds sur l’autre bord… Fais un effort, chevalier félon… Imagine la chose.
    Tristan haussa une épaule et sentit aussitôt s’aggraver la douleur due au coup qu’il avait reçu. Mais qu’importait son corps ! « Là où nous allons, puis là ; où nous irons, je ne devrai songer qu’à mon âme ! » Jusqu’à ce jour des Rameaux, soit dans ses aventures auprès de Tiercelet, soit en compagnie des démons de Brignais, il s’était tant bien que mal accoutumé aux singularités de sa situation. Il se justifierait devant ses juges. Il exigerait qu’ils envoyassent un message au roi. Salbris ne pourrait s’y opposer.
    –  Les Rameaux, mon Père… Les disciples accueillent Jésus à Jérusalem et brandissent des palmes sur son passage… Nous voyons des poings, nous recevons des gourmades et des insultes…
    Brusquement, avant de pénétrer dans ce châtelet où la justice enfermait ses bassesses, Tristan se tourna vers le guisarmier dont l’arme venait de heurter sa dossière :
    – L’Archiprêtre a fait en Berry et en Nivernais, puis en Provence, ce que tu reproches à ces malandrins d’avoir fait !
    – Malandrin vous aussi, messire !
    – Si tu veux… L’Archiprêtre est devenu soi-disant serviteur de la Couronne !… Qui te dit, drôle, que tous les hommes de Brignais ne serviront pas la royauté française un jour, tout comme Arnaud de Cervole ?
    Guillonnet de Salbris fit entendre sa voix, aussi sèche que les claquements des sabots sur les pierres :
    – Tu jangles 120 , malfaisant, sans savoir ce que tu dis !
    – Ce que je dis, c’est que si je pouvais l’atteindre ou qu’il soit instruit des charges dont tu m’accables, le roi m’accorderait des lettres de rémission.
    – Ne gaspille point ta salive ! conseilla Angilbert dont le cheval, saisi aux rênes par un des picquenaires, cessait tout à coup d’avancer. Regarde : nous sommes parvenus à ce qui va devenir notre hôtel.
    La porte devant eux, constellée de clous pareils à des deniers entre les foisonnements de ses pentures, couina sur ses charnières énormes Tristan vit une lueur. Un flambeau éclairait il ne savait quoi.
    – Entrez, soyez les bienvenus ! ricana Guillonnet de Salbris.
    Tristan retint une injure et se refusa de penser. Pas-même à Oriabel. Mieux valait supporter le présent et l’avenir sans se référer au passé.
    « Demain je serai jugé… Je me défendrai ! Si nous, comparaissons tous ensemble devant nos juges, même Nadaillac attestera de ma sincérité ! »
    Son cheval fut mené devant un petit portail. Un jeunet en armure, coiffé d’un bassinet, – un écuyer sans doute – lui délia les mains puis

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