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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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gronda dans son chambranle. Il y eut un bruit de ferraille.
    –  Mon fils, dit Angilbert, ton armure était belle. Naudon t’aimait bien.
    – Est-il mort ?
    – Non… Cette armure venait de Milan.
    – Et mon épée de Vézelay… Je dois me confesser d’une roberie…
    – Ta ! Ta ! Ta ! Comment pourrais-je t’absoudre d’un péché quel qu’il soit, moi qui n’ai aucun principe ? Sais-tu ce qui m’ennuie ? C’est de retenir mes besoins… Ils seraient trop heureux de me voir, demain, pisseux et merdeux !
    Un long silence s’ensuivit, et bien qu’il parût prendre un bain de ténèbres, Tristan ferma les yeux afin de mieux s’enfermer dans ses pensées. Il avait mal au cou, au front, aux épaules ; des fourmis hantaient ses poignets.
    « Si père me voyait ! »
    Pourquoi se voyait-il, lui, maintenant, aux côtés de Thoumelin de Castelreng, cheminant vers les hauteurs de Puylaurens, le cœur en fête ? Etait-il possible que le damoiseau d’autrefois revécut en lui avec toute cette chaleur, cette soif de vivre qu’il avait possédées dans sa jeunesse prime ?
    – Puylaurens !
    Ils avaient accompagné jusque-là Blanche de Bourgogne (337) . Après avoir soigné ses écrouelles à Rennes-les-Bains, elle s’était rendue à Limoux. C’était là qu’il l’avait rencontrée : brune, belle et chagrine. Elle partit, dolente, pour l’Espagne où elle devait épouser le roi de Castille. Elle ressemblait aux damoiselles des Livres dont les pires chevaliers s’énamouraient au premier regard, et de lions se faisaient agneaux, sauf, évidemment, à la guerre. Elle était de deux ans son aînée. Il s’était en lui-même indigné qu’elle dût déjà partager la couche d’un homme et il l’avait imaginée, révulsée entre le bras de Pierre I er dont il pensait qu’il était gros et brun, poilu, éhonté, impudique. Il avait passé la nuit à veiller devant la porte de la princesse et quand, au petit jour, elle s’en était allée, Thoumelin de Castelreng n’avait pas manqué de vitupérer cette dévotion singulière : « Elle n’était point pour toi… Trop haute de naissance ! » Il n’en ignorait rien. À quoi bon le lui dire. L’annonce de sa mort l’avait consterné.
    – Tu es bien silencieux, mon fils.
    – Je revivais des fragments de ma vie.
    – Essaie de les chasser de ta mémoire : plus tu en ressusciteras, plus tu t’affligeras de quitter cette terre !
    C’était sagesse. Bon sang ! Comme il était court-battu ainsi couché, sans pouvoir accomplir un geste. Ses yeux ne voyaient rien que ce noir de gouffre où l’haleine du clerc et la sienne montaient se froidir et condenser sur la voûte qui, de temps en temps, laissait tomber une larme. Des poignets aux talons, des douleurs le tenaillaient, le grignotaient. Un bon lit, de bons soins… Qu’importait que le lit fut vide… Le sol restait sous lui froid et gluant. Il se soulevait parfois d’une fesse, d’une épaule, pour atténuer l’une ou l’autre de ses souffrances et remédier à ce qui semblait une sorte d’ensevelissement.
    – Je suis tout engourdi de mal. On dirait de petits tisons qui vont et viennent. Ma tonsure me fait l’effet d’une auréole bouillante !
    – Vous entrez en sainteté !… Saint Angilbert !
    – Demain, mon fils, nul pénitencier 121 ne s’appro chera de nous afin d’intercéder pour nos âmes !… Comment ces morpoils nous mèneront-ils au bûcher ? À pied ou en charrette ? Serons-nous hissés sur un gros tas de fagots tous ensemble ou disposerons-nous d’un bon lit de paille et de sarments par personne ? Il faudrait pouvoir dormir mais, dans la position où nous sommes… seule une ribaude pourrait tirer quelque chose de nous, et inversement !… Et pas touche, si j’ose dire… Tristan, mon fils, n’ai-je pas raison ?
    – Vous êtes bien hardi pour un homme d’église !
    – Clairvoyant, si j’ose dire en ces ténèbres ! Dieu Lui-même ne peut nous voir en ce trou… Alors, j’ose livrer tout haut mes pensées.
    Le froid les enveloppa. Dès lors commencèrent les picotements de la chair et des paupières. Bien qu’il fît absolument noir, Tristan voyait parfois, au-dessus de lui, une espèce de ciel tout écaillé d’étoiles. Un miracle faisait surgir sur ses prunelles, avec la nostalgie des années révolues, les cieux qu’il avait contemplés.
    – Cette nuit rend délicieuses toutes celles que j’ai cassées au

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