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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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le menaça d’une dagasse dont la lame au talon gravé brillait autant que son regard :
    – Pas de mouvement bref, messire de Crapule, ou vous aurez ceci sous votre gorgerin !
    À quoi bon répondre à ce blanc-bec. C’eût été provoquer sa jubilation. Se détournant un peu, Tristan vit Angilbert le rejoindre :
    – Les cellules sont étroites, mon fils. Nous en partagerons une à nous deux… On respecte mon froc de bure et ta qualité de chevalier !
    – Les autres ?
    – Un logis pour tous… profond sans doute…
    – À quand le jugement ?
    – Nous sommes déjà jugés, mon fils. Il paraît qu’en égard à ce que nous sommes, un procès eût été du temps perdu…
    – Quel châtiment ?
    – Le feu, comme à des hérétiques… Par une sorte de décence à ton égard, ce Guillonnet de Salbris ne t’en a point parlé, mais la décision était prise avant même qu’ils nous aient attrapés.
    – Qui en a décidé ainsi ?
    – Les notables de la cité… Avant de chevaucher à notre rencontre, Bourbon leur avait promis de leur apporter un millier de Tard-Venus qu’ils mettraient à rôtir sur les rives du Rhône afin d’en disperser les cendres aisément.
    On les poussa : l’écuyer et Guillonnet de Salbris. Ils entendirent Nadaillac hurler « Adieu, nos frères ! » et le jeune écuyer de rire :
    – Au diable, pour sûr !
    « Bientôt, songea Tristan, demain sans doute, je hurlerai mon innocence en pleine rue… Ici, les cris sont vains. De plus, Salbris serait trop heureux de les ouïr ! »
    Un couloir et des escaliers noirs qui descendent. Une herse de fer poisseuse d’humidité grasse. L’odeur, aussi, semblable à celle d’un charnier lointain. Ici, tout était buée, viscosité, silence. Un abîme s’ouvrait qu’ils quitteraient, Angilbert et lui, pour gagner un autre abîme où peut-être leur seconde vie serait belle.
    – C’est là, dit l’écuyer en ouvrant une porte.
    Tristan s’aperçut seulement qu’il avait été suivi par un porteur de flambeau. L’homme en agita la flamme d’une main rageuse tandis que de l’autre il remuait son clavier chargé d’une demi-douzaine de clés fort bien entretenues : elles scintillaient.
    – Messire le traître, dit Guillonnet de Salbris, va quitter son armure sur ce seuil…
    Sans mot dire, Tristan commença d’ôter sa cuirasse et Angilbert l’aida à se débarrasser du reste. Il agissait comme si tout ce qu’il faisait était aisé, naturel. Il se disait parfois : « Les chiens ! » ou « Il fait froid » ou bien encore : « Qu’est -elle devenue ? » Tiercelet veillerait sur elle. Qu’eût-il pensé, qu’eût-il fait présentement s’il s’était trouvé à sa place ?
    – Entrez, commanda Guillonnet de Salbris.
    – Oh ! Oh ! fit Angilbert en mettant un pied dans à cellule.
    –  J’espère, dit Tristan, que vous allez nous épargner un séjour dans cette machine.
    Il souriait ; ses yeux rencontrèrent ceux de son ancien compagnon : ils étaient dilatés, froids, impitoyables.
    – Hé ! Hé !… Il vous faut un bon lit pour votre dernière nuit… Bourbon, avant de quitter la cité, l’avait fait réserver pour Garcie du Châtel et le Petit Meschin !… L’on m’a dit, là-haut, de vous octroyer cette couche ! Résignez-vous !… Conseil d’ami… Sans quoi, j’appelle et vous fais assommer avant de vous faire étendre…
    D’un doigt, Salbris désignait le cep, ou bloc, ce grand madrier divisé en deux pièces avec des encoches semi circulaires qui formaient, en se rapprochant, des ouvertures pour les poignets et les chevilles qu’on introduisait en soulevant, côté tête et côté pieds, les madriers supérieurs.
    Angilbert voulut résister : ramassant ses clés dans son poing en un mouvement vif dont il avait coutume le geôlier frappa le clerc sans souci de son froc et de sa tonsure. Il s’écroula en gémissant et fut maintenu allongé par l’écuyer tandis que Salbris, de son épée lui piquait le ventre.
    – À toi, Castelreng !
    Tristan s’allongea et sentit bientôt ses chevilles ses poignets ceints de chêne. Deux verrous craquèrent.
    –  Et voilà ! exulta Guillonnet de Salbris. La nuit va me sembler longue à moi aussi tant j’ai hâte de vous voir devenir cendre et tisons !… Votre cachot se nomme Artois, celui de vos compères Flandre… Tu trembles, dirait-on, Castelreng… Demain quelques fagots te chaufferont à mort !
    La porte

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