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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avait, au préjudice de sa liberté, négligé les lueurs et les ombres, n’exprimait plus le moindre mécontentement. Immobile, serein, il semblait uniquement révéler son trouble de mâle affronté à une belle roturière impudique : Perrette Darnichot ne devait qu’à son « blason » d’avoir été ennoblie.
    Sa chambrière l’avait coiffée comme la déesse de pierre ; toutefois, la bandelette qui ceignait sa couronne de cheveux sombres était une tresse de fils d’orfroi perlée de gouttelettes d’émeraude. Sa chemise d’yraigne 18 ne dissimulait rien – ou presque – d’une nudité gonflée secrètement d’orgueil mais qui, pour l’instant, paraissait modeste et même humble comme il sied à une esclave. Renversée sur ses coussins, et par son silence même, elle se déclarait éloquemment prête à toutes sortes de licences.
    « La Tour de Nesle ! songea Tristan. Tiercelet ne m’a pas menti ! On se vautre à satiété dans la luxure, puis quelque acier tranchant, trois gouttes de poison et surtout un beau collier de chanvre mettent un terme aux ébattements… Belle rétribution du plaisir dispensé ! »
    Une peur l’envahit, au lieu d’un désir éperdu.
    – Approchez, messire ! Approchez… Me craindriez-vous à ce point ?
    La voix que dame Perrette souhaitait dolente ou doucereuse, semblait percée d’échardes glacées.
    Il fit un pas, ne lui cachant rien. Elle fronça les sourcils, déçue, mais sourit de nouveau tandis que, songeant à Tiercelet, il se persuadait que cette chair excellemment apprêtée pour qu’il s’en délectât serait sans effet sur une faim dont il n’avait guère souffert. Sans doute eût-il été plus enclin aux délectations de cette espèce quelques semaines avant ce jour. Or, céder à la tentation, c’était périr.
    « Pourrais-je, se dit-il, regagner mon cachot ? Ne va-t-on pas m’en fournir un autre ? »
    Dans un mouvement qui offrit, astucieusement ou non, tous ses attraits aux regards de son visiteur, Perrette jeta une bille rose sur les braises de la cassolette ; deux rubans de fumée s’en exhalèrent, se tordirent et s’épousèrent avant que de se dissoudre en touchant les voilages du dais. Retenant son souffle, Tristan résista au capiteux envoûtement du parfum. Il se sentit la face chaude, et Perrette se méprit :
    – Approche !… Viens t’asseoir près de moi.
    Son regard et ses mains tendues suppliaient ; son chuchotement n’était qu’alacrité, joie, espérance, réconfort même. Elle se croyait des pouvoirs transcendants, capables de convertir en ferveur, voire de sublimer en passion l’indifférence d’un jeune mâle qui certain soir, toute belle et désirable qu’elle fut, avait déçu ses espérances.
    –  Il faut me pardonner… Je t’ai fait venir pour que tu oublies tout.
    Sous l’arc des longs sourcils finement épilés, les paupières battaient, vives et légères, et les lèvres minces, de la rougeur saignante des guignes, frémissaient d’émoi ou d’impatience.
    – Nous sommes seuls… aussi vrai que mon nom est celui que tu sais.
    Sa voix changeait encore ! Furtive, maintenant, elle semblait enclore tous ces trésors d’admiration et de prévenances dont les humbles, par déférence obligatoire et nullement par sentiment, gratifiaient les Grands qui les méprisaient ; mais elle eût assurément apprécié qu’il mît un genou sur le tapis aussi épais qu’une herbe drue et que, pour magnifier cette génuflexion, il baisât sa main tendue.
    – Tu refuses ?… Je te fais peur ?
    Ne pouvait-il justement s’en défier ? Elle le tenait toujours sous sa dépendance. Elle avait cru pouvoir l’énamourer de ses formes épicées, çà et là, d’un peu d’ombre, sous les transparences légères d’un vêtement où le rose d’une cuisse affleurait. Elle s’était doublement méprise. Pour ce qui la concernait, sur l’aisance d’une séduction jusque-là, sans doute, irrésistible. Pour ce qui lui revenait, sur la fermeté d’un caractère bien trempé. Si, par un subtil jeu de compensation, son corps avaricieusement nourri, exposé aux froidures et suints des murailles, manquait présentement de vigueur, sa volonté intacte n’en devenait que plus vivace.
    –  Approche, dit-elle en le considérant de haut en bas avec un air de désapprobation… Allons, viens !… Tous tes membres sont gourds, dirait-on.
    Au cours d’un hiver d’une rudesse extrême, il lui était advenu

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