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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un meurtrier !
    Nonobstant son objection sirupeuse, il se montrait des plus hautain à l’égard de cette femme dont, évidemment, il ne pouvait ni tolérer ni concevoir l’impétuosité.
    –  Cet homme m’appartient ! s’écria-t-il en portant sa dextre à son épée comme si la suppliante et coléreuse Mathilde méditait quelque coup mortel. J’ai pris ce traître sur le champ de bataille ! S’il a été livré par mes soins au bras séculier, il ne me paraît pas…
    – Cessez de m’envoyer votre bave au visage !… Eloignez-vous, chevalier !
    Tournant le dos à Salbris, Mathilde de Montaigny empoigna des deux mains Charles d’Alençon par sa dalmatique rose constellée d’or et de pierreries :
    – Vous êtes bon et juste !… Votre parole est aussi souveraine que celle de monseigneur le Prévôt… Tout cela s’est fait sans procès public, de sorte que je n’ai pu intervenir… Mais vous savez que j’étais à Brignais !… Je vous en ai instruit à l’aube et prévenu, si vous n’agissiez, que je vous attendrais en quelque coin de rue… M’y voici !
    Sa voix s’enflait de male rage et d’espérance. Déjouant l’obstacle étincelant d’un vouge, la dame fit un pas vers un édile sec, en gonne de velours noir ciselé, ceinturée de cordouannerie rouge, à clous d’or.
    – Le mayeur (349) de cette cité, sans doute, murmura Angilbert.
    S’agenouillant devant le magistrat – et cette humidité devait la mettre en rage –, elle lui étreignit les jambes avec un tel désir d’obtenir gain de cause qu’il faillit en tomber.
    – Messire ! Messire !… Je le réclame pour époux !… Qu’il soit gracié !
    – Je conçois que…
    – À Brignais, il m’a sauvé la vie ! Il m’a soustraite à des viols immondes !
    – Mais il ne t’a pas délivrée, ma fille, fit avec enjouement, dans l’ombre de sa coule, le franciscain conduiseur du cortège.
    – Je me suis délivrée à la faveur de la bataille.
    – Epouse-la !
    Ce cri lointain, perçant les bruissements de la foule, c’était celui d’Oriabel. Angilbert l’entendit.
    – Voilà qui est bien, dit-il. Elle a du mérite et elle t’aime… Vois comme cette Mathilde ensorcelle ces flambards !… Elle va les séduire. C’est une Lilith sans queue, mais tu y pourvoiras !
    Il rit et les routiers aussi. Mathilde persistait :
    –… que cette condamnation soit commuée en grâce et en mariage !
    Il y eut des discussions et mouvements de femmes dans l’assistance.
    – Pitié ! Pitié ! s’écria l’une d’elles. C’est la coutume !
    Des voix jeunes répétèrent : « C’est la coutume », et Tristan entendit des sanglots. Puis un vieillard accepta ce fait :
    – C’est la coutume… J’ai vu ainsi sauver quelques mauvais sujets.
    Charles d’Alençon s’approcha de la charrette, tapant de l’extrémité de sa crosse le pavé noir, tandis que de sa senestre il caressait son crucifix d’or. Ses sourcils tressaillirent et il leva sa face exsangue vers les encorbellements des maisons comme si Dieu se penchait à l’une des fenêtres. Puis ses yeux plongèrent dans ceux du condamné :
    – Est-il vrai, mon fils, que tu étais à Brignais contre ta volonté ?
    – Je l’eusse affirmé si vous nous aviez fait un procès.
    – Tes compagnons sont de vils malandrins…
    – Je ne nie pas cette évidence. Mars des malan drins de Lyon les ont tourmentés, ce qui n’était pas nécessaire en égard au sort qui les attend.
    Deux seulement, mon fils… Est-il vrai que tu as sauvé cette femme ?
    – Je l’ai protégée, en effet.
    – Que faisais-tu à Brignais ?
    – C’est le résultat malencontreux d’une mission commandée par le roi Jean depuis son passage en Bourgogne.
    – Mensonge ! hurla Salbris.
    – S’il y a un menteur parmi nous ce matin, c’est bien cet homme.
    – Tu pouvais t’escamper ! s’écria le prévôt.
    – J’eusse aimé vous y voir, messire. Pas vrai, dame Mathilde ?
    Ils échangèrent ce qui mit Salbris en rage. Quelque espérance qu’il eût de sortir de cette charrette doublement humiliante pour lui, puisque jamais un chevalier ne devait monter dans une voiture de cette espèce, Tristan éprouva le sentiment d’une obs cure résistance chez tous ces honnêtes gens. Le mayeur, lui, en avait assez : on retardait, en parlures, en spectacle exemplaire.
    – Il est de fait que cette coutume existe, dit un homme au visage enfariné. Et puis,

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