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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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faut le dire : ce captif paraît bon comme un pain qui sort de mon four !
    – Epargnez-le ! cria une commère.
    – Oui ! Oui ! hurlèrent des femmes.
    Elles devaient être une vingtaine. D’autres poussaient des « Hou ! Hou ! » de mécontentement. Elles l’étaient que trois. Malgré les menaces des hommes l’armes, quelques effrontées se pressèrent autour de la barrette, et à nouveau Mathilde de Montaigny s’agenouilla, cette fois devant l’archevêque Guillaume de Thurey dont elle eût baisé les escarpins de soie dorée si une bourgeoise hilare, grosse et rougeaude, ne l’en eût empêchée.
    – C’est son droit absolu de posséder cet homme, dit-elle, tournée vers le prélat hésitant. C’est son droit selon la louable et ordinaire coutume !
    – C’est vrai, dit le prévôt d’une voix expirante. Il serait expédient d’accorder le condamné à cette noble dame que je connais bien… Je me range avec ceux, Lyonnais de toute espèce, qui se prononcent en faveur de sa requête mais dois-je révéler, Excellentissime, que je ne pensais pas qu’une gentilfame si bien née, dont le père fut un ami… et dont je sais qu’on lui présente moult fiancés depuis sa viduité, se prendrait de passion pour un… euh… qui, quoi qu’il dise, fut capturé parmi la racaille…
    Il souriait. Il était de ces hommes qu’on dit entre deux âges, et qui sont aussi entre deux amours, deux occupations, deux sièges. Il regardait alternativement le prélat et le mayeur, attendant que l’un ou l’autre jetât sur la balance un argument décisif en faveur du condamné. « Hâte-toi ! supplia Tristan. Ajoute enfin ces mots qui me délivreront ! » Puis il observa dame Mathilde sans nier, pour une fois, l’attirance que sa nature hautaine et mystérieuse avait exercée sur lui.
    Parce qu’il l’avait sentie de taille à les surmonter, il s’était interdit de compatir exagérément à ses mésaventures, abrogeant ainsi toute idée, toute rêverie de délectation. Cette indifférence affectée n’avait été qu’une défense érigée contre l’obsession d’un désir des plus communs ; une probation infligée à sa virilité. La pureté de son épouse – ou plutôt le souvenir de sa virginité, gage de sa pureté – l’avait incité à soupçonner, chez dame Mathilde, des malefaims passionnelles, tragiques en leur conclusion, envers des chevaliers de son espèce. Or, si sa charnalité se percevait d’emblée, cette femme n’avait rien, sans doute, d’une dévoreuse d’amants. Son châtelet devait être lugubre. Par quels jeux, sinon ceux de l’amour – comme lui au donjon de Brignais –, eût-elle pu oublier la froideur des pierres, cette espèce de mélancolie constante, enfermée, verrouillée dans tous les châteaux du centre et du nord du royaume ? On eût dit que les gens qui vivaient là se complaisaient dans une austérité monastique. Mais peut-être, exhalés des refuges ombreux, entendait-on des chuchotis et des soupirs lascifs… Et puis quoi ? Les tentations de l’amour pouvaient émouvoir dame Mathilde davantage que son accomplissement.
    – Messeigneurs, messires, disait-elle instamment, allez-vous me donner cet homme en mariage ?
    Contredisant l’opinion qu’il s’était forgée d’elle, sa reconnaissance envers cette femme rétrécissait chez Tristan la distance, pleine d’Oriabel, qui l’en avait séparé. Si elle obtenait sa grâce, leur mariage, tout fortuit qu’il fut, prendrait une apparence extraordinaire et se glorifierait d’une quantité d’approbations dont peu de couples eussent pu se prévaloir ! Il quitterait l’église lavé de cette boue dont Salbris l’avait couvert. Oriabel le savait. N’avait-elle pas hurlé : « Epouse-la » ? Comme cette injonction avait dû lui coûter !
    – Il va y avoir un miracle, mon fils, prophétisa Angilbert.
    Les mains jointes, les paupières mi-closes, le gros imposteur semblait se moquer de lui-même et d’une farce d’épousailles en laquelle avaient cru deux amants anxieux.
    – Je n’ai pas cessé de prier pour toi dès que j’ai vu cette femme apparaître… Prié comme si j’étais un de ceux dont je ne suis point… Fais d’un cœur léger le sacrifice ou sacrifesse éphémère d’Oriabel, et n’ éprouve aucun remords, puisqu’elle est d’ accord, même si elle se sent outragée doublement : par toi et cette baronnesse… Dis-toi que si dame Mathilde refusait de

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