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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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y avoir ses habitudes.
    – Viens ! Viens !… Mettons-nous en sûreté !
    Il la suivit. Docilement. Il n’était, après tout, que son chien ou sa proie. Elle tenait fermement sa dextre et cette préhension nerveuse, véhémente, confirmait son audace et sa ténacité. Oriabel avait une main plus fine, mais plus rude, abîmée quelque peu par les travaux de sa condition. Il l’aimait plus que jamais et son dernier cri demeurait dans sa tête. Où était-elle ? Qu’allait-elle devenir ? Que pensait-elle de lui, son époux, car elle ignorait la tromperie d’Angilbert !
    Il allait devoir se marier vraiment. Prononcer à nouveau les mots qui le lieraient – provisoirement – à Mathilde.
    –  Viens ! Viens ! haleta sa bienfaitrice en le tirant vers un escalier de pierre.
    Soudain, elle s’arrêta, un pied sur chaque marche. Il était en dessous d’elle, sur les degrés inférieurs, et comme dominé, ce qui lui déplut.
    Il se jucha à sa hauteur, ce qu’elle prit pour un désir le la baiser au visage.
    – Cette vacelle, dit-elle, approchant ses lèvres des siennes, tu l’aimais ?
    Il ne répondit pas.
    – Oublie-la ! Oublie-la définitivement, dit-elle en lui soufflant cette injonction au visage.
    Puis elle rit, et ce rire entra dans le cœur de Tristan comme un couteau : brusquement, sauvagement. S’il ignorait encore de quelles amours cette femme était capable, il savait que sa haine affleurait la folie.
    – Viens, dit-elle encore avec, dans la voix, un essoufflement qui ne devait rien aux quelques degrés qu’elle avait gravis en hâte. Viens : tu as besoin de soins, de réconfort et d’amour… Je vais te donner tout cela… Oublie-la !… Ce n’était qu’une bonne meschine (350) … Chambrière. Ma chambrière.
    Sur ce ton, elle eût pu tout aussi bien dire : « Mon esclave. » D’ailleurs, elle le pensait.
    Tristan ne reconnaissait plus, dans cette femme sevrée peut-être de tendresse, la hautaine captive de Brignais. Il était d’ailleurs trop bouleversé par sa délivrance pour penser autre chose que : « Je lui dois la vie. » Nulle autre créature que Mathilde, sans doute, ne se fût abaissée à supplier les évêques et magistrats de Lyon comme elle venait de le faire. Elle tenait à lui.
    – Oublie-la, insista-t-elle. Chasse de ton esprit tout ce qui la concerne. Ne me fais pas regretter de t’avoir sauvé de la mort.
    – La mort…
    Tristan s’aperçut que depuis sa délivrance, il n’avait pas dit un mot, sauf celui-là. Il répondait comme un écho à la menace de sa future épouse.

 
ANNEXE I
     
LA BOURGOGNE AVANT LA PRISE DE POSSESSION
DU ROI JEAN
     
     
     
    La Bourgogne n’échappa pas aux ravages de la peste noire qui, partant de Marseille, envahit l’Europe et l’Angleterre en 1348. Eudes IV ayant succombé au mal, à Sens, la semaine avant les Pâques fleuries de 1349, Philippe dit de Rouvres succéda à son aïeul par représentation de son père mort écrasé sous son cheval lors d’une action folle, peu avant la levée du siège l’Aiguillon (20 août 1346). Froissait s’est complu à narrer cette mort.
    Philippe avait pour mère et tutrice Jeanne, fille de Guillaume XII, comte de Boulogne et d’Auvergne et de Marguerite d’Evreux (elle était ainsi parente du roi de Navarre, Charles dit le Mauvais). Elle avait épousé en p remières noces Philippe de Bourgogne et s’était remariée, le 9 février 1350, avec Jean, duc de Normandie, presque aussitôt roi de France (il était veuf de Bonne de Luxembourg depuis le vendredi 11 septembre 1349, selon L’Art de vérifier les dates , et non le 11 août, comme le prétendent les Grandes Chroniques).
    Jean se trouva donc investi du droit de veiller au patrimoine de son beau-fils, intervenant de loin en loin, d’ailleurs, dans les affaires de Bourgogne. Après la défaite de Poitiers et la capture du roi, Philippe de Rouvres vécut et grandit sous la tutelle de sa mère. Il avait à peine quinze ans quand Jean le Bon vit une brèche éphémère s’ouvrir dans sa captivité et, par un acte du 20 octobre 1360, lui délivra ses «  terres et paus » comme s’il était majeur et apte à les gouverner. Philippe fut censé prendre la direction des affaires : il épousa virtuellement la fille unique du comte de Flandre et de Nevers, Louis de Male, Marguerite de Flandre, née le 15 avril 1350, une des plus riches héritières d’Europe. Convenu depuis plusieurs années, le mariage fut

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