Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
consentir dans quelques semaines au divorce, tu as vécu assez près du roi et de son ainsné fils pour que l’un ou l’autre obtienne du Pape la dissolution de cette union, fut-elle célébrée, pour plus de garantie, par Monseigneur d’Alençon !
    – Vous me faites peur !
    – Autre chose me vient à l’esprit : si elle t’empêche de revoir Oriabel et Tiercelet, qui l’ont pourtant sauvée du donjon de Brignais, ce sera que toute l’initiative de ta délivrance lui revient.
    – Je n’en augurerai rien de bon, mais je l’épouserai, puisqu’il le faut. Avec encore moins de plaisir que si elle avait été leur complice.
    Les femmes pleuraient tellement, autour de la charrette, qu’aucune d’elles ne pouvait ouïr ces propos. Un des bourreaux qui certainement avait tourmenté Taupart et Fauquembois, s’approcha de la ridelle arrière. Il semblait réjoui, plein de cet orgueil des barbares qui, après s’être complu dans des pratiques infâmes, se sentent pousser des ailes d’archange dès qu’autour d’eux, malgré eux, le Bien supplante enfin le Mal qu’ils incarnaient.
    – Quand un linfar sourit ainsi, gringotta Angilbert, il faudrait l’égorger. Un tel apitoiement ne peut-être qu’insulte… Bientôt, il s’ébaudira en nous empoignant, et l’on entendra sa risée dans le crépitement des bûches. Tu es, ce jeudi, l’homme le plus fortuné du royaume… Mais si !… Mais si ! Regarde ta future épouse entre le mayeur et le pire !
    Le pire, c’était Salbris qui, délaissant dame Mathilde, interpellait sans retenue monseigneur Charles d’Alençon :
    – Ah ! Révérendissime… Cette libération serait pernicieuse !… Le roi et le régent vous en tiendraient rigueur, même s’ils sont de vos parents !
    Le prélat hocha la tête, faisant ainsi cligner, tout autant que ses yeux, les joyaux de sa mitre. Tristan ne sut interpréter un mouvement de la main dont Salbris se courrouçait.
    « Toi, démon, je te retrouverai ! Tu iras forniquer au ciel Charles d’Espagne et Orgeville ! »
    Le prélat tapota le pavé de sa crosse :
    – Nous ne pouvons aller contre cette coutume…
    Il y eut, dans la foule, un battement de mains. Puis dix, vingt, cent peut-être.
    – Qu’on descende le prisonnier et le confie à dame Mathilde de Montaigny. Il est libre à la condition qu’il l’épouse promptement.
    Qui proclamait cela ? Le mayeur ? Le prévôt ?
    Il y eut de nouveaux cris de joie, des hurlements de colère submergés par des rires. Nul ne broncha dans la charrette, mais les truands souriaient, même les estropiés.
    Tristan vit s’abaisser le hayon auquel il s’était tant accroché. Il posa un pied à terre, les orteils en avant, rudement – comme s’il l’eût enfoncé dans de l’eau froide. Le gros bourreau qui l’avait mis au cep lui tapa vigoureusement sur l’épaule, ainsi qu’il l’eût fait pour un vieil ami.
    – Tu es chanceux, charogne, que ce soit mon épaule valide !
    Puis Mathilde fut devant lui, les yeux ardents, la bouche tendue pour un baiser qu’elle lui prit avidement. Il sentit son ventre s’appuyer au sien en même temps qu’il percevait le rire aigrelet d’Angilbert et le Oh ! » désespéré d’Oriabel.
    Dame Mathilde l’entendit aussi et s’en réjouit.
    « Epouse-la », s’était écriée la jouvencelle. Que faire d’autre pour la retrouver, elle ? Il lui reviendrait. Il savait désormais ce qui l’attendait. Qu’il mêlât un temps sa chair à celle de cette femme n’engagerait que son sexe !
    Ce n’était pas la joie d’aimer ou d’être aimé qui, martelait son cœur, mais le plaisir de vivre, d’exister, une espèce d’éblouissement au sortir des ténèbres. « Libre ! Libre ! » Même privé momentanément d’Oriabel, l’avenir lui paraissait de nouveau à portée de son ambition, empli de bonnes et belles choses.
    – Viens ! Viens !… Ne restons pas parmi cette canaille.
    Mathilde de Montaigny n’avait pas prononcé le nom de Tiercelet. Donc Angilbert avait raison : le brèche-dent n’était pour rien dans cette délivrance.
    La charrette s’ébranla. Une main s’agita en deçà des ridelles : celle d’un faux moine que la mort, apparemment, n’effrayait guère. Et tandis que des cris hostiles reprenaient avec, semblait-il, plus de vigueur qu’auparavant, Tristan se laissa entraîner sous le porche d’une maison que Mathilde de Montaigny franchit si aisément qu’elle devait

Weitere Kostenlose Bücher