Les amants de Brignais
leurs excès, puis la partie nord-est à compter du 8 juin 1360. La Grande Compagnie, la Magna Societa envahit le pays. Les troupes bourguignonnes affrontèrent une des hordes qui les avaient vaincues à Brion : Girard de Mairey et son acolyte, Jacques de Baudoncourt, furent capturés. On apprit alors que le frère du premier, Anseau de Mairey, moine de Molême, avait l’intention de s’introduire dans la prison de Semur où ils étaient incarcérés. On s’en saisit et l’enferma au donjon, « le jour de la mi-ost CCCLX ». Girard de Mairey et Baudoncourt furent mis à mort le 21 août 1360 et le moine mourut au donjon « le vendredi après la saint-Denis CCCLX » 126 . Comme le châtelain ne savait que faire du cadavre, il en référa au duc… qui mit six jours à lui répondre… de l’enterrer. Il était en grand état de pourriture.
Les chefs de la Grande Compagnie, représentés par deux Anglais, Guillaume de Granson et Nicolas Stamworth signèrent avec les Bourguignons une nouvelle trêve… et Philippe de Rouvres dut emprunter à Stamworth (! !) de quoi payer les brigands.
Cet expédient ne produisit pas l’accalmie escomptée : la Bourgogne fut encore ravagée. Dès la fin de 1360, l’avant-garde de la Grande Compagnie parvenait à Pont-Saint-Esprit ; le « reste » sévissait toujours en Bourgogne.
Et ce fut l’accalmie au moment même où Philippe de Rouvres allait quitter ses états pour gagner la Flandre et célébrer son mariage avec la fille de Louis de Male.
Le roi Jean, à la mort de son beau-fils, songea que s’il n’agissait pas promptement, des compétiteurs se montreraient, arguant tout autant que lui qu’ils devaient hériter d’une portion de territoire. Jean de Boulogne se vit attribuer, en compensation, les comtés d’Auvergne et de Boulogne ; Marguerite de France, tante de cujus du défunt, eut les comtés d’Artois et de Bourgogne ainsi que des fiefs champenois parce qu’ils avaient appartenu jadis à sa mère, Jeanne de Bourgogne-Comté, femme de Philippe le Long. Le roi de Navarre, cousin issu de germain du défunt n’intervint pas . Tancarville fut envoyé sur place ; et le roi le suivit de peu.
La Bourgogne devint « française » non par annexion mais par héritage.
On ne tarda pas à la mettre à contribution pour payer la rançon du roi. Peu de temps après, Jean l’offrit au plus jeune de ses fils, Philippe le Hardi (6 septembre 1363).
ANNEXE II
LES RUINEUSES FOLIES DE JEAN LE BON
Le mariage de Philippe VI et de Blanche de Navarre (11 janvier 1350) avait coûté cher. Celui de son fils Jean et de Jeanne, comtesse de Boulogne (9 février 1350) fut encore plus onéreux. En effet, le premier avait eu lieu en petit comité, à Brie-Comte-Robert ; le second fut célébré à Saint-Germain-en-Laye et la fête eut lieu aux Mureaux.
Philippe VI trépassa dans la nuit du dimanche 22 au lundi 23 août 1350 à l’abbaye de Coulombs, toute proche de Nogent-le-Roi. Ses obsèques furent splendides. Il n’y avait plus rien dans les coffres, mais on ne cessait d’agir comme s’ils débordaient.
Le couronnement de Jean eut lieu à Reims, le dimanche 26 septembre. Ce fut une folie endiamantée : draps d’or, pierres précieuses, satins, soieries, sièges d’argent et de cristal de roche incrustés de pierreries, vaisselle de vermeil. Ceux qui de loin y assistèrent frémirent à la pensée des nouveaux impôts qui s’abattraient sur eux (depuis leur avènement et jusqu’en 1355,81 ordonnances déprédatrices firent de la monnaie des orgueilleux Valois une monnaie de singe).
Que dire de ce couronnement sinon qu’il fut un « cirque » fastueux, les frais de banquet étant supportés par les Rémois. Après la cérémonie, Jean arma chevaliers deux de ses fils, le dauphin Charles et le comte de Poitiers (futur duc d’Anjou, âgé de onze ans) ; Charles, comte d’Alençon, son neveu (fils du comte tué à Crécy), lequel haïssait les choses militaires et se fit dominicain au Couvent de Saint-Jacques à Paris (1359) avant de parvenir à l’Archevêché de Lyon. Jean arma également Louis d’Evreux, comte d’Etampes ; Jean d’Artois, l’un des fils du fameux Robert ; Philippe d’Orléans (son frère cadet) et bien d’autres. Le dauphin n’avait que douze ans et Philippe de Rouvres quatre ans. Fastueusement, on commençait à barboter dans le grotesque !
Le dauphin Charles et les chevaliers reçurent une cotte et un
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