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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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je te tutoie : il y a des limites au respect et tu ne m’en inspires aucun.
    Tristan sentit son orgueil se cabrer. Juste un instant.
    – Voilà qui est du franc-parler ! dit-il. Regarde ces chevaux, devant… Ils n’ont pas l’air d’apprécier autant que nous la liberté !
    Des croupes noires, grises, pommelées, les précédaient sur la pente.
    –  Nous avons parcouru cinq ou six cents toises… Nous sommes en sécurité.
    – Où m’emmènes-tu, Tiercelet ?
    Un cri retentit : « Haro ! Haro !… À l’arme ! À l’arme ! » Cette voix, c’était celle de Plicart.
    – Tu vois, si j’ose dire, compère Tristan, que je n’ai pas occis ce crapaud de justice !… Lié simplement à un arbre. Je l’avais muselé avec un pan de sa chemise. Je ne l’ai pas assez enfoncé dans sa goule.
    Tristan acheva de boucler sa ceinture, et plongea son épée dans le fourreau de rapine, à peine plus court que son arme.
    – Tu me fais plaisir… Occire ce hutin n’aurait servi à rien.
    – Bien, compère… Continuons de pousser les chevaux de ces malicieux. Le temps qu’ils les cherchent et les trouvent, et le temps qu’ils remettent leurs selles en état – même avec l’aide du bourrelier avec lequel j’ai parolé à la taverne où ils m’ont attrapé – nous serons loin !
    – Tu avais donc vendu la jument ?
    – Vendue au bourrelier, justement… Il les a vus venir, pas moi : je lampais avec joie un hanap de cervoise… Je ne sais qui m’a pris mes écus : ces hommes ou le bourrelier. Qu’importe !… Nous sommes tirés d ’affaire, nous avons chacun une arme et de quoi manger et nous vêtir demain.
    Tristan sauta en selle et mena son moreau près du cheval de Tiercelet. Le brèche-dent lança dans la nuit son grand rire :
    – Vive la vie !… Hé, tu n’es pas content ?… Te voilà sain et sauf et l’existence est belle !
    – Belle !… Il est vrai… et je suis désormais ton homme lige !
    Tiercelet ne pouvait comprendre tout ce que son compère avait mis de cruelle moquerie envers lui-même, Tristan de Castelreng, dans cette répartie. Ce mélange d’approbation, de bienveillance et de respect l’enchantait et ce mot d’homme lige , si malsonnant en l’occurrence, dans la bouche du jeune seigneur qui lui rend hommage, le hissait à un niveau de considération qu’était sûrement loin d’atteindre chez les routiers.
    –  À quoi penses-tu, Tristan ? Il me semble t’avoir entendu soupirer.
    – Je pensais à mon père… S’il me voyait…
    – Il n’aurait fait ni mieux ni pire s’il s’était trouvé à ta place ! Cela doit être toute ta philosophie, comme dit un de nos porteurs de froc, Angilbert le Brugeois !
     
    ***
     
    Tiercelet avait aussi bonne vue que les rapaces nocturnes. Il menait son cheval aisément sur des sentiers invisibles, parmi des haies et roncières aux ramures débordantes d’où parfois s’essorait une chevêche au vol mou. Tristan se fiait à la croupe blanche du roncin qui précédait le sien.
    – Vivement l’aube ! dit-il.
    Les forêts toutes proches, d’un pelage noir quelque peu bleuté, lui semblaient pleines d’un peuple redoutable, à l’affût de tout passage. Rares dans le royaume désormais augmenté de la Bourgogne étaient les honnêtes gens qui chevauchaient de nuit il se sentait la poitrine oppressée et se retenait de tousser de craint d’éveiller, au loin, quelque guetteur somnolent.
    Ils traversèrent un village endormi, effarouchant un chien de petite taille. Les clartés du ciel piqueté d’étoiles pâles autour d’une lune aussi brillante qu’un gâteau de miel allongèrent sur les cailloux luisants de rosée, leurs ombres de centaures.
    –  Sais-tu où nous allons, Tiercelet ?
    – Certes !… Ce village que nous laissons derrière nous, c’est Pierre-Perthuis. Nous suivons la Cure… Tu peux la voir briller sous les arbres, à senestre. Dès l’aube, si tout va bien, nous serons à Chastellux et demain soir à Saulieu. De là, en un jour, après une halte à Amay, nous serons à Chagny.
    – Tu connais le chemin !
    – Nous traverserons la forêt de Chagny et serons à Tournus pour manger, prendre un peu de repos… et le soir nous coucherons à Mâcon.
    – Ensuite ?
    – De Mâcon nous gagnerons Lyon en faisant, à mi-journée, un arrêt à Villefranche… Ah ! Il faut que tu saches que j’étais en Normandie dans la route d’un Breton : Alain Taillecol, le

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