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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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devenait quelque chose de pesant, de tangible. Il se sentait cloué aux dalles de l’entrée, les yeux tantôt sur la porte, tantôt sur la lame de cette épée d’emprunt dont la possession s’affirmait inutile.
    – Et voilà ! triompha Aubery. Compagnons, vous avez eu la main lourde.
    – Juste un coup de la prise de mon arme. Je ne pensais pas l’assommer.
    Des rires se mêlèrent aux tintements des hamois et sabotements des chevaux. Enhardis par cette joie, des curieux durent réapparaître, qu’Aubery menaça aussitôt :
    – Arrière, bonne gent ou le sang va couler… Arrière, vous aussi, Père abbé ! Seriez-vous évêque et même Pape que je ne vous confierais pas cet homme !
    – Il nous faut l’autre, le jeune ! s’écria Plicart. Ce grand que nous tenons, c’est bien lui qui a meurtri Grimouton, hein, Colebret ?
    – C’est lui. Son compère n’est pas loin, je le sens.
    – Cherchons-le tous !… Toi, Mansion, demeure.
    – Ah ! Non… Je veux en être moi aussi !
    Il y eut des cris de mécontentement qu’Aubery dut faire cesser d’un geste.
    –  Soit ! Plicart, prends sa place.
    – Il me plaît de garder cet enfant de Satan… Je m’en vais le taquiner un brin pour qu’il reprenne conscience.
    Les pas et cliquetis s’éloignèrent. Tristan n’entendit plus que son souffle oppressé. Son cœur semblait vouloir lui trouer la poitrine. Soudain, il y eut un râle – Tiercelet – et un rire :
    – Dis, brèche-dent, tu n’aimes pas qu’on te mignote ainsi ?
    –  Aaaah !
    Tiercelet, cette fois, hurlait sans que sa voix fût plaintive – au contraire. Tristan comprit : « Il croit que j’ignore qu’ils l’ont pris et m’en avertit. Il crie pour que je fuie, nullement pour obtenir mon secours. » Il poussa lentement la porte et s’immobilisa.
    Le prêtre et les curieux avaient obéi aux menaces. Sur la place vide, Tiercelet gisait, les chevilles et les poignets liés. Agenouillé près de lui, Plicart pesait d’une main sur sa poitrine ; de l’autre, il tenait un perce-mailles avec lequel il picotait la gorge du captif. Tout proches, dissimulant partiellement le portail de la basilique, les chevaux remuaient à peine.
    Frémissant d’espérance et de haine, Tristan s’obligea, dans l’ombre, à contourner lentement tous ces roncins plus ou moins las du grand randon (1) 60 qui les avait conduits de Cravant à Vézelay. Aucun d’eux ne parut inquiet de sa présence.
    « Gagné ! » exulta-t-il en atteignant les deux hommes.
    – Holà ! Toi… Fini de jouer !
    L’estoc de l’épée se logea dans la nuque tendue. Point de mailles en cet endroit.
    – Non ! Non ! Ne te relève pas, crapule, exigea Tiercelet. Profite que tu es accroupi pour trancher mes liens.
    –  Va te faire foutre !
    Plicart était solide, vigoureux : les mailles qui se tendaient sans un bourrelet sur ses bras l’attestaient. Froid et hautain, Tristan pesa plus fort sur son arme :
    – Tu sers la Justice et je t’en sais bon gré… Hé oui !… Mais je me sens fort mal disposé envers toi. Tu me gênes.
    Plicart sursauta ; la pointe d’acier s’enfonça si violemment dans sa chair que Tristan sentit un des muscles s’ouvrir.
    – Coupe les liens ou je te perce le col !
    Sous le bord de la barbute, le regard de Plicart lança une lueur.
    – Saligot… Quand je te retrouverai…
    – Ne souhaite pas ces retrouvailles : tu y perdrais la vie. Je ne suis pas fier d’être ce que je suis présentement, n’étant pas ce que tu crois… Mais cet homme, quelque mauvais qu’il te paraisse, est un ami qui m’est cher.
    Les cordes serrant les bras et les jambes tombèrent. Le perce-mailles chut sur le sol. Tiercelet s’en saisit, se releva et, passant le revers de sa senestre sous son menton, l’en retira poisseux de sang. Alors, il agrippa l’homme d’armes par son colletin, prenant un plaisir évident à sentir sous ses doigts ces anneaux trempés de sueur auxquels il devait sa déchéance.
    – Je devrais t’occire ! Te secouer et te percer jusqu’à la mort !
    Le visage blafard entre les jouées de la barbute instable qui lui couvrait et découvrait le front, Plicart reculait vers les chevaux pour se glisser parmi eux dans l’espoir qu’une ruade de l’un ou de l’autre lui permettrait de recouvrer la liberté. Tiercelet éventa cette ruse :
    Se délestant soudain de son pesant orgueil, mains jointes, Plicart tomba sur ses

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