Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
de sa bouche où s’assemblaient des rayures de peau moins dues à l’âge qu’aux excès accumulés au cours d’une existence de malfaiteur.
    –  Enfin ! soupira-t-il en regardant ses compagnons auxquels la femme d’Eustache distribuait des gobelets et des hanaps. Que vas-tu faire, maintenant, Tiercelet ?… Venir avec nous ?
    – Sans doute.
    – Et toi ?
    Tristan eut une grimace, puis un geste évasif.
    – Tu es jeune !… Guère plus de vingt ans… Tu as le caractère et la forcennerie… La fleur de la jeunesse est en toi !
    « Sans doute, songea Tristan. Mais elle ne pourrait s’épanouir sur ton fumier. »
    –  Viens avec nous !… Nous sommes partis à cinquante. Nous avons été deux mille et sommes désormais innombrables… Sais-tu que si l’armée royale était composée de gars de ton espèce, la vie cesserait de nous être agréable !
    – Beau compliment, Tristan ! ricana Tiercelet.
    – Sois des nôtres : tu auras du bon temps et des filles aimables. Et tu t’enrichiras !
    Tristan demeurait coi, mais une irritation lui brûlait la poitrine. Il vit s’ouvrir en grand la porte de la cuisine. Oriabel parut si vivement qu’on avait dû la pousser dans les reins pour qu’elle franchît le seuil de ce refuge. Des pleurs brillaient sur ses joues ; on ne pouvait être plus pâle qu’elle ne l’était présentement.
    – Tiens, dit Naudon de Bagerant, ils ont une nouvelle.
    Et comme Tiercelet l’interrogeait du regard :
    – L’autre, Nicole, est morte la semaine dernière. Des gars qui ne sont pas de chez nous l’ont forniquée deux jours et deux nuits…
    Eustache passait ; le routier l’arrêta d’un mouvement de cubitière :
D’où vient, coquin, ta nouvelle vacelle (1) 71  ?
    –  Caluire… S’est fait prendre par un gars de Garcit du Châtel. En bon chevalier, il a veillé à ce qu’on n’y touche pas. Il la voulait…
    – Ça va de soi.
    – Je la lui ai jouée aux dés. Il a perdu… On l’a à l’œil, mon épouse et moi, car elle s’enfuirait à la moindre occasion !
    Oriabel s’approchait. On lui avait dit d’apporter une volaille ; elle la déposa devant Tristan, soudain privé d’appétit. Il était troublé par cette présence si proche que son coude touchait involontairement la robe de la jouvencelle, et s’exaspérait, en même temps, des rires et clameurs qu’il suscitait.
    – Hé ! Hé ! dit Bagerant, l’œil levé sur la jeune fille.
    Tristan s’inclina en signe de remerciement et fut sensible au regard qu’elle lui lança – désespéré, tout embué de larmes retenues.
    « Pure encore », se dit-il avec une certitude qui ne reposait sur rien.
    Même souillée, il eût essayé de la délivrer, nullement pour la besogner, mais pour lui rendre la liberté en l’adjurant d’aller s’enfermer dans une cité ceinte de hauts murs et solidement défendue. Il l’y eût même accompagnée.
    – Evidemment, dit en riant Eustache, Garcie du Châtel ne sait rien… Ne lui en parlez pas.
    –  Atournée comme elle est, dit Naudon de Bagerant tandis qu’Oriabel regagnait la cuisine, elle se devrait de porter un harnois de fer.
    Il rit, sans que sa gaieté déteignît sur Tiercelet. Tristan vida son gobelet en songeant : « Si les vipères pou vaient parler, il est sûr qu’elles auraient ta voix ! » La main de Bagerant se posa sur la sienne, qu’il retira vivement.
    –  Viens avec nous !
    Le malandrin persistait. Son front rose ruisselait de sueur. Il dit encore :
    – Il y a deux semaines, le Petit-Meschin, moi et les autres, on a conquis Viverols et le prieuré d’Etivarelles (1) 72 … Brignais est nôtre également !
    – Ce grand châtelet ! s’étonna Tiercelet. Je suis passé une fois par là.
    Naudon de Bagerant acquiesça. Son regard luisait autant que son armure sous le coup d’une jubilation dont Tristan fut écœuré. Il songea dans sa langue natale : «  Mirai deforo, fens dedins 38  » et feignit d’écouter tout ce qui se disait.
    – Oui, ce châtelet… Il y avait jadis, en haut de la motte au pied de laquelle il a été construit, une étable assez laide appartenant aux moines. Un de nos hommes, natif de Sienne, l’a bapti sée bicocca, une bicoque… On est en train de la renforcer et de monter des murs tout autour, car on se défend mieux sur un lieu élevé que dans une vallée… Pas vrai ?
    Tristan ne dit mot ; Tiercelet grommela ce qui pouvait être un

Weitere Kostenlose Bücher