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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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lui, il le saisit à la gorge, puis aux oreilles, heurtant ainsi, de sa nuque, le pavement.
    Il ne voyait rien d’autre qu’une face enlaidie de fureur et de frayeur, et des mains, dont une saignante, et moins vigoureuse que l’autre, accrochées vainement à ses poignets. Ses yeux s’éclaboussaient d’ombres et de lueurs tandis qu’on saisissait son pourpoint par le dos et les épaules afin qu’il libérât sa prise. Mais il se sentait magnifiquement fort, aussi terrible qu’un orage ou un torrent de montagne.
    Quelque chose craqua dans le crâne de Jovelin. Sous la friche des poils qui couvraient son visage, sa bouche béa tandis qu’un long mouvement d’ultime défense arquait son corps. Sa vie lui échappa dans un vomissement de sang et de fiel.
    – Il dégoule sa cervelle, dit Eustache, penché.
    Tristan lâcha prise et se mit debout. Oriabel était là, près de Naudon de Bagerant, immobile et, semblait-il, vide d’émoi. Un petit bourrelet de chair s’était formé entre ses sourcils.
    – Belle mort selon toi ? demanda le routier.
    – Non… On obtient rarement la mort que l’on sou haite, mais plus souvent celle que l’on mérite. Cet homme eut grand tort de me courroucer !
    Tristan n’osait trop regarder Oriabel. Vingt hommes les entouraient, elle et lui, car elle venait de s’approcher, cherchant encore une protection qu’il se savait incapable d’assurer en cas de nouvelle riote.
    –  Tout ça pour une donzelle ! dit l’un d’eux.
    Tristan reconnut la voix fluette qui avait crié à Jovelin : « Crève-le ! » Il respirait mal, les muscles roides, la poitrine brûlante et comme lacérée, mais pacifié. Hanté par une sensation de bien-être étrange, il se sentait admiré à la fois par Oriabel et Bagerant plus encore que par Tiercelet. Ce plaisir jamais éprouvé emplissait un cœur dont les battements s’alentissaient, devenaient moins douloureux. « Sauvée, je l’ai sauvée !… Ils n’oseront plus, maintenant ! » Voire… Par représailles pour la perte de Jovelin et du rouquin, Bagerant pouvait les offrir, elle et lui, en pâture à ses hommes.
    – Bon sang !… Si cette vacelle était ta femme, tu ne l’aurais pas mieux défendue !
    Naudon de Bagerant fit un signe :
    – Eloignez-vous, compères. Emportez les corps de ces deux sots !… Jetez-les sur le fumier de la cour… Eustache !… Tu les brûleras demain… Je les aurais loués s’ils avaient eu le dessus, or, ils ont été vaincus…
    Brusquement détourné :
    – Je pourrais vous châtier tous deux… et commencer par toi, Fier-à-Bras !
    – Je le sais… Ta renommée en souffrirait.
    Tristan se souvenait malaisément des scènes d’où il s’était dépêtré à son avantage. Voyant les joues d’Oriabel se teinter enfin, il fut certain qu’elle était d’une affabilité, d’une douceur et d’une humilité constantes.
    Il y avait de la dignité dans son regard, maintenant. Non, plus encore que de la dignité : une véritable majesté. Il se sentait poussé vers cette inconnue par une exigence qui, épurée de la fureur et de l’angoisse d’occire et d’être occis, lui paraissait magique : au-dessus d’eux, quelque chose avait fait en sorte que leurs agissements se fussent à la fois réunis et victorieusement conjugués. Une volonté puissante, irrésistible. Dieu ? Saint Michel dont l’épée n’avait jamais contrarié ses mouvements ?
    – Je ne saurais vous punir… murmura Naudon de Bagerant. Non, je ne saurais sévir contre vous… à une condition…
    Et voilà ! Il allait falloir marchander.
    Tristan vit le front de Tiercelet se bourreler et ses lèvres s’avancer pour, sans doute, quelque plaidoyer difficile. D’un clin d’œil, il le rassura, observant combien la sollicitude sèche et moqueuse du brèche-dent lui était devenue précieuse. C’était une sensation étrange, peu flatteuse et cependant revigorante que d’être le compain d’un tel aventureux.
    – Qui es-tu, Fier-à-Bras ? Aimes-tu vraiment cette donzelle ?
    Avec une sorte d’avidité, de déception ou de mépris Bagerant, d’un regard, déshabillait Oriabel.
    – Qui je suis ? Tristan de Castelreng. Quant à aimer cette pucelle, il est vrai que j’en suis amouré… Y vois-tu une objection ?… Si jamais, par malheur, tu la voulais pour toi, il te faudrait mettre au clair ton épée !
    Ce n’était pas l’amour extraordinaire et transcendant ! Des livres de Chevalerie

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